Le bilan de mi-saison MotoGP 2025

Aprilia 

Table rase pour Aprilia en 2025 avec trois nouveaux pilotes sur ses RS GP : Jorge Martin et Marco Bezzecchi (ci-dessous) dans l'équipe officielle, ainsi que le débutant japonais Ai Ogura chez Trackhouse Racing aux côtés de Raul Fernandez, seul "survivant" de la précédente composition. 

Hélas, cet afflux de sang neuf peine à porter ses fruits sur cette première partie de saison : Bezzecchi est resté dans le ventre (très) mou du plateau jusqu'au GP de France, avant de connaître un déclic victorieux la course suivante en Grande-Bretagne. Depuis, "Bez" semble renouer avec sa vitesse observée l'an dernier chez Ducati avec une confirmation par une deuxième place aux Pays-Bas. L'italien pointe au 6ème rang au provisoire malgré plusieurs "bulles" en Sprint.

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C'est tout l'inverse pour le "Rookie" Ai Ogura ci-dessous, qui a démarré en trombe avant de connaître un recul. La faute, principalement, à sa chute aux essais du GP de Grande-Bretagne qui lui a valu fracture au tibia droit et deux forfaits (Silverstone et Aragon). Le champion du monde Moto2 vient de signer deux week-ends consécutifs sans marquer de points.

Son coéquipier Raul Fernandez ci-dessus se classe juste devant au classement avec 51 points : très insuffisant pour le pilote espagnol qui peine décidément à convaincre pour sa quatrième saison (déjà !) en MotoGP. Qu'elle semble loin sa remarquable domination en Moto2 de 2021 ! "C’est une période difficile", admet sans détour le manager de Trackhouse, Davide Brivio. Une période qui pourrait se prolonger puisque son contrat court jusqu'en 2026…

Mais le véritable problème d'Aprilia à ce stade de la compétition tourne autour de son chef de file, Jorge Martin. Rappelons que le tenant du titre n'a participé qu'à une seule course à ce jour suite à ses blessures contractées juste avant le début de la saison, puis à son retour au Qatar. Or, comme si ça ne suffisait pas pour Aprilia, l'ancien pilote Ducati entend activer une clause contractuelle pour quitter la marque italienne avant le terme de son engagement de deux ans.

Hors de question, lui répond Aprilia qui prévoit de se défendre au tribunal s'il le faut. "Pour nous, le pilote est sous contrat", affirme le boss d'Aprilia Racing, Massimo Rivola, qui insiste : "il ne peut aller nulle part". Dans ces conditions, le retour de Jorge Martin ce week-end en République tchèque sera à suivre de très près !

A noter qu'Aprilia occupe actuellement la deuxième place au classement constructeur derrière l'imbattable Ducati. Espérons que Martin garde cet aspect à l'esprit avant d'envisager de rejoindre Honda (avant-dernier au classement) ou Yamaha (dernier). Sans parler de KTM qui fait du surplace en plus d'être à la merci de coupes budgétaires liées aux soucis économiques de la marque autrichienne.

Classement pilotes Aprilia 

• Marc Bezzecchi : 6ème avec 130 points
• Raul Fernandez : 13ème avec 51 points
• Ai Ogura : 14ème avec 49 points
• Jorge Martin : 26ème avec 0 points

Ducati 

Avec trois titres pilotes et cinq titres constructeurs consécutifs dans sa besace, c'est peu dire que Ducati abordait la saison 2025 avec confiance ! Et ce, malgré un engagement revu à la baisse avec six Desmosedici sur la grille (huit en 2024), dont trois avec spécifications d'usine : les deux officielles et celle de Fabio Di Giannantonio chez VR46.

Plus important encore : le constructeur italien a déroulé le "tapis rouge" pour Marc Marquez, au grand dam de Jorge Martin. Pourtant, après onze Grands Prix, force est de constater que si ce choix était contestable sur un plan humain, c'est un sans-faute sur le plan sportif ! Marc Marquez domine comme jamais, à un âge (32 ans) où beaucoup réalisent qu'ils ne domineront plus jamais.

Jugez plutôt : l'octuple champion du monde s'est adjugé dix victoires en sprint (sur 11 !) et sept en course principale. En tout, il a dominé sept week-end de bout en bout, dont quatre de suite depuis Aragon ! Aucun pilote n'a atteint de tels résultats depuis la mise en place du nouveau format à deux courses en 2023, ce qui corrobore les statistiques compilées dans notre dossier "La nouvelle génération MotoGP est-elle moins forte ?". 

A cela s'ajoute l'inattendue montée en puissance de son frère cadet, Alex, l'un des rares à l'avoir privé d'une victoire. Le pilote Gresini est pour la première fois monté sur la plus haute marche à Jerez (Espagne), tandis que Francesco Bagnaia s'est illustré à Austin (Amérique) et Marco Bezzecchi à Silverstone (Grande-Bretagne). Malgré sa fracture à la main aux Pays-Bas, Alex Marquez défend chèrement sa deuxième place au provisoire : le n°73 est très souvent le plus rapide du plateau… derrière son frangin !

Mais tout n'est pas rose dans le box rouge… L'ascension de Marc Marquez vers de nouveaux sommets s'accompagne - comme par ricochet - de la chute de l'ancienne vedette de Ducati, Francesco Bagnaia. "Peco", troisième au provisoire, n'est que l'ombre de lui-même depuis le coup d'envoi en Thaïlande : l'italien se dit perdu sur une GP25 dont il déplore le manque de grip.

Le n°63 accuse déjà 147 pts de retard sur le leader, dont la nomination à ses côtés n'est évidemment pas étrangère à ses maux. Impossible de ne pas faire un lien entre le parcours sans-faute de Marquez et les contre-performances répétées de Bagnaia ! Peco est confronté au plus grand défi depuis son arrivée chez les Rouges : faire équipe avec un top pilote. A ce stade, c'est peu dire que l'ancien double champion du monde peine à relever ce challenge.

Classement pilotes Ducati

• Marc Marquez : 1er avec 344 points
• Alex Marquez : 2ème avec 261 points
• Francesco Bagnaia : 3ème avec 197 points
• Fabio Di Giannantonio : 4ème avec 142 points
• Franco Morbidelli : 5ème avec 139 points
• Fermin Aldeguer : 9ème avec 92 points

Honda

Peu de changements côté pilotes chez Honda pour 2025 : Luca Marini et Joan Mir poursuivent leurs (més)aventures au sein de la structure officielle - qui perd le soutien de Repsol faute de résultats -, tandis que Johann Zarco attaque sa deuxième saison chez LCR aux côtés du débutant Somkiat Chantra ci-dessous. 

Passons pudiquement sur le niveau gênant du pilote thailandais de 26 ans, qui doit son premier point en MotoGP à la générosité d'Aleix Espargaro : le nouveau pilote d'essai Honda l'a laissé passer à l'arrivée du GP des Pays-Bas pour que Somkiat ouvre son compteur ! Vouloir satisfaire son sponsor pétrolier national (Idemitsu) en alignant vaille que vaille un pilote asiatique trouve ici ses limites…

La RC213V n'ayant que peu évolué durant l'intersaison - malgré les avantages réglementaires accordés à Honda et à Yamaha -, les attentes n'étaient pas élevées en matière de résultats bruts. Et pourtant ! La surprise est venue de Johann Zarco : le doyen du MotoGP s'est immédiatement inséré dans le Top 10 avant de monter en puissance (4ème au Qatar), pour finalement décrocher une victoire émouvante au GP de France !

Le cannois confirme la course suivante en prenant la deuxième place en Grande-Bretagne : le clan français se met alors à rêver d'un retour triomphal de Honda, mené de main de maître par "Jojo la MotoGP" ! Hélas, la série du n°5 s'essouffle brutalement : Johann enchaîne deux week-ends vierges de points (Aragon et Mugello), avant de revenir timidement aux affaires aux Pays-Bas (4 points) et en Allemagne (3 points). 

Le tricolore explique cette dégringolade par l'adoption d'une nouvelle configuration moteur - jugée plus performante - qui affecte le pilotage de la RCV. En définitive, si Johann a su trouver une clé pour déverrouiller la Honda, la porte vers la performance reste encore durement coincée… Les autres pilotes en font les frais : le cumul des points de Marini, Mir et Chantra n'atteint même pas le total inscrit par Johann !

Classement pilotes Honda

• Johann Zarco : 7ème avec 104 points
• Luca Marini : 15ème avec 48 points
• Joan Mir : 19ème avec 32 points
• Somkiat Chantra : 24ème avec 1 point

KTM 

La marque Orange abordait la saison 2025 avec de grandes ambitions, forte de la nomination de sa "pépite" Pedro Acosta aux côtés de Brad Binder dans le team officiel. Sans compter le renouvellement complet du "line-up" de son équipe satellite Tech3 avec deux authentiques talents : Enea Bastianini et Maverick Viñales. L'espagnol aura au passage piloté presque toutes les MotoGP du plateau : Suzuki, Yamaha, Aprilia et KTM !

Hélas, les difficultés économiques de KTM ont vite mis un frein à ces légitimes projets de conquête… Le développement de la RC16 a été gelé cet hiver, tandis que plusieurs personnages-clés sont sortis du décor : à l'image de l'ingénieur Kurt Trieb, créateur du V4 autrichien. Sans surprise, la MotoGP Orange fait du surplace face à ses rivales. Et en compétition, qui n'avance pas recule !

Pedro Acosta s'est rapidement agacé de cette situation en faisant savoir qu'il n'avait pas le temps d'attendre pour atteindre son but d'être champion du monde. Réponse du berger à la bergère : "C'est encore un gamin et il veut la meilleure moto pour être performant", déclare Pit Beirer, patron de KTM Motorsports, qui s'agace de voir son jeune pilote "flirter" avec la concurrence… 

"Tant que notre moto ne sera pas la meilleure en piste, il faudra faire avec les critiques, et aussi ces flirts", admet Beirer. "Il faut peut-être atteindre un certain âge pour comprendre que quand on a une épouse, il faut bien la traiter et ne pas flirter avec d'autres femmes", tacle toutefois le responsable du projet MotoGP. De coureur à cavaleur, il n'y a qu'un pas ! Blague à part, pas sûr que ce genre de commentaire aide à rester motivé par un projet visiblement au point mort… 

Son coéquipier, Brad Binder, apparaît pour sa part complètement largué avec quelques rares entrées dans le Top 10 comme meilleurs résultats. Le Sud-africain déplore le manque de grip de la moto, ses vibrations et son caractère changeant. Soit, à quelques subtilités près, les mêmes critiques pointées du gant par les pilotes Honda ou Yamaha !

La bonne surprise chez KTM provient de Maverick Viñales : après des débuts assez calamiteux sur la RC16 (huit points inscrits en quatre week-ends), l'ancien pilote Aprilia a fait sensation avec sa cinquième place au GP d'Espagne. Dans le coup au Mans, l'espagnol est ensuite rentré dans le rang avant d'à nouveau se hisser aux portes du Top 5 aux Pays-Bas. En clair, Maverick fait du Viñales : un coup au top, un coup nul part ! 

Pour autant, ses propos positifs sur la moto et son discours posé sur ses propres besoins dénotent d'une maturité à laquelle il ne nous avait pas habitué. KTM ne s'y trompe pas en le désignant comme l'exemple à suivre - tu m'étonnes ! -, ce qui ne participe pas à tempérer les ardeurs de l'ambitieux Acosta.

Et le coéquipier de Viñales ? Mais si : Enea Bastianini ci-dessus ! Passer du rouge Ducati au Orange KTM fait broyer du noir à l'italien, qui pointe au 17ème rang avec seulement 42 points inscrits en onze week-ends. Son meilleur résultat à ce jour est sa 7ème place au GP des Amériques, à 12,8 sec du vainqueur…

Classement pilotes KTM

• Pedro Acosta : 8ème avec 99 points
• Maverick Viñales : 11ème avec 69 points
• Brad Binder : 12ème avec 60 points
• Enea Bastianini : 17ème avec 42 points

Yamaha 

Yamaha suscitait les plus grands espoirs pour 2025 grâce à sa politique volontariste, avec notamment la nomination d'ingénieurs de la concurrence à des postes traditionnellement chasse-gardée des japonais. Fabio Quartararo, chef de file d'Iwata depuis 2021, se réjouissait également du retour d'un deuxième team Yamaha grâce à la nouvelle collaboration avec Pramac. Sans oublier le projet de V4 en gestation !

Tous les signaux semblaient au vert pour les Bleus, tandis que plusieurs évolutions mécaniques et aérodynamiques semblaient avoir redonné du tonus à la M1. Preuve en est les quatre pole positions décrochées par le pilote niçois, par ailleurs encore sous contrat jusqu'en 2026. Si Fabio n'a pas été en mesure de transformer ses pole en victoires, le voir terminer deuxième à Jerez et mener quelque 29 tours de course depuis le début de la saison met du baume au coeur !

Problème : ces belles performances restent épisodiques, souvent éphémères et rarement reproductibles. Par ailleurs, Fabio est de nouveau le seul à parvenir à faire illusion : son coéquipier Alex Rins est complètement à la ramasse, avec une seule arrivée dans les 10 cette saison au GP d'Allemagne. Une course dont seulement dix pilotes ont vu l'arrivée : autrement dit, Rins fait Top 10 et dernier en même temps !

Chez Pramac, Jack Miller avait plutôt bien commencé la saison en se montrant dithyrambique sur les qualités du train avant de la Yamaha, selon lui le meilleur du plateau. "Je n'ai jamais piloté une moto avec un avant comme ça, c'est une bénédiction", s'enthousiasmait-il pendant l'intersaison, lui qui est passé chez Honda, Ducati et KTM.

Onze manches - et de nombreuses chutes… - plus tard font relativiser "Jackass", seulement 16ème au provisoire avec quatre week-ends vierges de points. Tout compte fait, il n'est pas si "phénoménalement fantastique" que ça l'avant de la M1… Quant à son voisin de box, Miguel Oliveira, la greffe ne prend pas avec la Yamaha : le portugais est 23ème avec six (6 !) petits points à son actif.

Sa lourde blessure à l'épaule gauche contractée dès la deuxième manche, en Argentine, n'arrange rien à l'affaire : le n°88 - qui parle par ailleurs un excellent français - a passé deux mois sur la touche avant de revenir en piste pour le GP de France. Miguel n'a depuis inscrit que quatre points, sur six week-ends, soit très très en deçà de son potentiel et des attentes fixées sur lui. 

La perspective quasi certaine d'être débarqué l'an prochain aux profits du turc Toprak Razgatlioglu ne doit pas vraiment l'aider à rebondir… Un mot pour conclure à propos des tests "grandeur nature" menés par Yamaha sur son l'inédit V4. Objectif ? L'engager dès l'année prochaine si son potentiel s'avère immédiatement supérieur à l'actuel 4-en-ligne.

Une stratégie coûteuse dans la mesure où la cylindrée évolue à la baisse en 2027, mais qui semble donner de l'espoir aux pilotes Yamaha. Attention toutefois à ne pas se laisser envoûter par cette nouvelle architecture : le V4, aussi bien né soit-il, va exiger beaucoup de ressources pour être performant et fiable. Puis il faudra "l'accorder" au châssis, à l'électronique, aux pneus (qui passent en Pirelli en 2027 !), aux freins, à l'aéro…

Tout cela ne se fera pas d'un claquement de doigts, d'autant que Yamaha ne produit plus de V4 depuis l'arrêt de la Vmax : sa base de données sur cette motorisation est plus faible que celle, au hasard, de Honda. Or, le moins que l'on puisse dire est que le géant ailé peine à exploiter son moteur en MotoGP ! Rappelons que Ducati aussi a eu besoin de beaucoup de temps pour canaliser son sur-puissant 4-cylindres…  

Classement pilotes Yamaha

• Fabio Quartararo : 10ème avec 87 points
• Jack Miller : 16ème avec 46 points
• Alex Rins : 18ème avec 41 points
• Miguel Oliveira : 23ème avec 6 points

Classement général provisoire MotoGP