C'est non. Le conseil d'État rejette, sans réelle surprise, le recours déposé par les professionnels du permis de conduire et les associations motardes dans le but de réintroduire le permis moto parmi les offres du Compte personnel de formation (CPF). Explications.
Souvenez-vous : en juin 2023, le député Sacha Houlié (Renaissance) propose et fait accepter une mesure permettant d'exploiter les crédits de son Compte personnel de formation pour passer son permis moto (A). Cette loi rétablit - enfin ! - l'équité puisque seul le permis auto (B) était jusqu'à présent accessible avec le CPF (voir notre dossier détaillé).
La mesure connaît un succès spectaculaire - comme quoi, c'est tendance la moto ! - avec jusqu'à 20 000 demandes par semaine dès son entrée en application début 2024. Le permis moto devient la formation la plus demandée du Compte personnel de formation ! "C’est la preuve que la moto est un mode de transport majoritairement choisi lorsque la contrainte financière est levée", analyse avec justesse la Fédération des motards en colère (FFMC).
La demande dépasse largement les prévisions : "122 000 titulaires de CPF" initient une préparation au permis A2, dénombre la Caisse des Dépôts et Consignations, chargée d’administrer le système ! Sans surprise, l'État met un coup de frein : un reste à charge "spécial motard" est d'abord intégré, avant qu'une nouvelle loi vienne définitivement stopper l'élan vers la moto et le scooter.
La loi du 19 mai 2024 impose en effet une contrainte de taille : le financement d'un permis par son Compte personnel de formation est désormais accepté à la seule condition "que le titulaire du compte ne dispose pas d’un permis de conduire en cours de validité sur le territoire national". En clair, si vous disposez déjà de votre permis auto (B), impossible de piocher dans le CPF pour passer le permis moto (A).
Motif : "Dans un contexte de finances publiques contraint, le financement de permis de conduire à vocation autre que professionnelle ne saurait être encouragé, au risque de compromettre durablement la soutenabilité financière du CPF", estime alors le ministre de l'intérieur. En clair : le CPF n'a pas vocation à financer un permis considéré comme "de loisir". Bonjour les clichés !
"En termes simples, le décret du 19 mai 2024 vient porter un coup d’arrêt à la possibilité, pour la très grande majorité des personnes intéressées, de recourir à leur compte personnel de formation pour financer l’obtention d’un permis moto, qu’il s’agisse du permis A1 ou A2", regrettent conjointement la Fédération français de motocyclisme (FFM) et la Fédération française des motards en colère (FFMC), qui déposent un recours en justice le 18 juillet 2024.
Les deux principales organisations professionnelles du permis de conduire - Mobilians et UNIDEC - montent également au créneau devant le Conseil d'État pour contester cette décision jugée injuste. Quelques mois plus tard, en mars 2025, un rapporteur public est désigné pour examiner les faits et vérifier que chaque aspect de la loi a bien été respecté.
Parmi les arguments soulevés par les réquerants, citons notamment le fait que l'État "méconnaît le principe d'égalité et le principe de non-discrimination en ce qu'il interdit le financement d'un second permis de conduire créant une rupture d'égalité entre les salariés-bénéficiaires du CPF avant et après le 19 mai 2024".
Sans surprise (bis), la plus haute instance juridique français a tranché… en défaveur du monde de la moto. Le conseil d'État a rejeté le recours au motif que le décret qui limite le CPF au premier permis "n'est pas contraire à la loi" et ne constitue pas "une rupture d'égalité". Bin voyons !
"Nous regrettons bien évidemment le sort réservé à notre recours, en dépit des efforts déployés par tous", déplore Mobilians dans un communiqué relayé par Permismag.com. "Soyez assurés que nous continuerons de nous battre car nous considérons toujours que ce décret ne correspond pas à l’esprit de la loi du 23 juin 2023".
A noter que le Compte personnel de formation est par ailleurs dans le viseur du gouvernement afin de réaliser des économies. Nos confrères des "Échos" révèlent que des mesures de plafonnements du CPF sont à l'étude. Restez connectés !
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