Le Moto GP se prépare à reprendre la piste à Sepang

Après deux mois de trêve hivernale, les pilotes MotoGP se remettent - enfin ! - à la tâche sur leur habituel terrain d'essais de Sepang (Malaisie) pour le premier des trois tests officiels prévus avant le coup d'envoi de la saison 2015, fin mars au Qatar. 

Honda favori pour le titre

A partir de mercredi et jusqu'à vendredi, le majestueux tracé de Sepang servira de laboratoire d'essais à toutes les équipes MotoGP 2015. L'occasion de poursuivre le développement des nouvelles motos, mais aussi comme prévu de découvrir les futurs pneus Michelin en situation lors de la dernière journée pour les pilotes d'essais (Edwards pour Yamaha, Pirro pour Ducati et Aoyama pour Honda).

Chez Honda, la feuille de travail sera principalement axée sur la distribution de puissance du V4, jugée trop brutale par Marquez et Pedrosa lors des premiers tests du millésime 2015 effectués après la course de Valence (Espagne).

"J’ai demandé aux ingénieurs d’avoir moins de puissance. Enfin, peut-être pas moins de puissance, mais de changer le caractère du moteur car il était trop agressif", avoue le double champion du monde Marc Marquez.

"Je pilote de manière agressive (ah bon ?!, NDLR) mais la moto l’était trop et devenait plus difficile à contrôler. Avec la Honda, il faut toujours être à 100%, dans chaque virage, à chaque freinage. Si on en est capable, on va plus vite que les autres. Autrement, on perd tout de suite une seconde, pas seulement trois ou quatre dixièmes", développe le favori à sa propre succession.

Présent à Bali (Indonésie) cette semaine avec Dani Pedrosa pour la présentation officielle des nouvelles couleurs du prototype 2015 (reconnaissable entre autres à son garde-boue avant Red Bull), Marquez en a profité pour se détendre... et faire le plein de sensations fortes en mer (photos ci-contre).

Le champion en titre et son coéquipier testeront à Sepang des évolutions électroniques et de partie cycle, dont certaines ont été étrennées la semaine dernière sur ce même circuit par le - pas si - retraité Casey Stoner.

"Une expérience différente" pour Stoner

L'ancien champion du monde australien a notamment travaillé sur de nouveaux freins Brembo en aluminium, une nouvelle fourche et différents réglages de frein moteur, en alternant les runs entre RCV 2014 et RCV 2015. 

Stoner a ensuite pris le guidon de la CBR1000RR alignée par Honda aux célèbres 8 Heures de Suzuka (Japon), afin d'aider les ingénieurs du HRC à la mettre au point.

L'Aussie ne devrait pas reprendre le guidon d'une RCV avant un certain temps, sa prochaine séance de tests prévue avec le HRC étant annoncée "assez tard dans la saison".

"Piloter la CBR a été une expérience différente. Je n’avais jamais roulé avec ce genre de moto. C’était compliqué de s’adapter aux différences en termes de changements de vitesses, de position, de puissance et de poids", rapporte Stoner.

"J’ai cependant réussi à comprendre cette moto au bout de plusieurs sorties et j’ai pu donner mes impressions aux ingénieurs. C’était globalement très fun et je me suis vraiment fait plaisir en faisant glisser la roue arrière !", s'amuse le jeune australien, surveillé depuis le muret des paddocks par sa ravissante petite fille de tout juste trois ans, Alessandra (photo ci-dessus).

Lorenzo prudent, Rossi ambitieux

Dans le clan Yamaha, les ambitions des deux pilotes officiels, Jorge Lorenzo et Valentino Rossi, sont aussi claires que logiques : effacer la déconvenue subie la saison passée avec la domination du duo Marquez-RCV.

Dévoilées en grandes pompes mercredi dernier dans les locaux madrilènes de leur sponsor Telefonica, les nouvelles YZR-M1 2015 ont dans cet objectif reçu un lot significatif d'évolutions, à commencer par un surcroît de puissance sur leur 4-cylindres en ligne.

Au niveau mécanique toujours, Yamaha peaufine actuellement sa deuxième génération de boîte de vitesse Seamless, une transmission qui autorise des changements de vitesse éclair en pré-enclenchant le rapport suivant à chaque passage de vitesse. 

Pour 2015, le système développé par Yamaha fonctionnera à la montée mais aussi à la descente des rapports. Autrement dit, non seulement Rossi et Lorenzo ne débrayeront plus avant de rétrograder comme en 2014, mais les rapports s'abaisseront plus vite. Le système devrait normalement être étrenné lors de la deuxième séance d'essais.

Déjà utilisée sur les Honda la saison passée, cette fonctionnalité permettrait de gagner entre 2 et 2,5 secondes sur la durée d'une course d'environ 45 minutes.

Sur le papier, ça peut ne pas paraître réellement déterminant mais cela pourrait vite le devenir en course...

L'an passé, Rossi et Lorenzo ont en effet plusieurs fois terminé à moins de deux secondes de Marquez, comme à Jerez (Espagne), au Mans (France) ou en Catalogne (Espagne) quand le n°46 a fini deuxième à 1,431 sec, 1,486 sec et 0,512 sec du n°93 ! Certes, le vainqueur a sans doute géré son avance... mais qui sait ce qu'il pourrait se passer si les Yamaha Boys lui collaient plus de pression ?

Autre aspect important pour le blason d'Iwata : Jorge Lorenzo s'avoue mieux préparé que l'année dernière, notamment au niveau physique.

"Jusqu’à preuve du contraire, Dani et moi sommes derrière Marc et Valentino"

"Je pense que je suis en bien meilleure forme, je suis plus fort physiquement parce que nous nous sommes vraiment concentrés sur mes séances d’entraînement (avec son nouveau coach argentin, NDLR)", estime "Jorgeuil".

"De plus, je n’ai pas eu à être opéré cet hiver, contrairement à l’an dernier. Je préfère cependant rester prudent en attendant de monter sur la moto et nous verrons ensuite comment ça se passera", tempère le Majorquin, qui pense pouvoir réaliser un bon début de saison "si nous continuons à progresser et que les autres constructeurs n’avancent pas davantage".

En toute logique, le n°99 désigne Marc Marquez comme le favori au titre 2015 et estime assez sportivement que son coéquipier Valentino Rossi est sur le papier le plus qualifié pour lui barrer la route.

"Je pense que le résultat final l'an passé a reflété la façon dont la saison s’était déroulée. Marquez devrait donc être le favori, et puis ensuite ce devrait être Valentino. Jusqu’à preuve du contraire, Dani (Pedrosa, NDLR) et moi sommes derrière".

Rossi "en veux davantage"

Nettement plus ambitieux que son coéquipier, Valentino Rossi avoue sans complexe briguer un 10ème sacre mondial, rappelant à juste titre qu'il a "toutes les raisons d’être satisfait de mes performances de l’an dernier" (2ème du championnat derrière Marquez)

"C’est cependant le passé et maintenant j’en veux davantage", annonce le n°46. "Je suis concentré pour faire un bon début de saison et être tout de suite compétitif. Jorge et moi avons tous les deux terminé la saison sur des performances positives et je suis sûr que nous commencerons tous les deux avec une terrible envie de gagner". Voila les adversaires de Yamaha prévenus !

Quelle marge de progression pour Ducati et Suzuki ?

Dans le clan Ducati en revanche, l'heure n'est pas - encore ? - à l'estimation d'objectifs, puisque les Rouges de Bologne débuteront ces premiers essais avec la moto... de l'année précédente (lire notamment MNC du 21 janvier 2015).

Certes, la GP14 d'Andrea Iannone et d'Andrea Dovizioso bénéficiera d'améliorations, mais les deux italiens devront patienter jusqu'au 23 février et les prochains tests à Sepang pour commencer à travailler sur l'attendue GP15.

Et pendant ce temps, bien sûr, les adversaires de Ducati vont continuer à s'améliorer.

A noter aussi l'absence du colombien Yonny Hernandez durant ces tests, le pilote Ducati Pramac ayant dû renoncer suite à une chute en dirt track qui a entraîné des micro-fractures de son épaule gauche. Contraint au repos forcé pendant trois semaines, il sera remplacé par le pilote d'essais Ducati Michele Pirro.

Chez Suzuki, les motoristes ont profité de la trêve pour travailler sur la puissance du 4-cylindres en ligne de la GSX-RR, auquel il manquait une grosse poignée de chevaux pour permettre à Aleix Espargaro et au débutant Maverick Vinales de tenir l'aspi en ligne droite. 

Espérons aussi que Suzuki ait dans le même temps amélioré la fiabilité de son nouveau prototype, dont les derniers essais et la wild card avec Randy de Puniet à Valence ont été interrompus à cause de soucis techniques.

Crutchlow opéré de l'épaule et affûté en vélo

Transfuge de chez Ducati, Cal Crutchlow a hâte de reprendre le guidon de sa nouvelle moto, une Honda RC213V Factory bénéficiant du soutien du HRC. Opéré de la clavicule en novembre pour se faire ôter une plaque et soigner des problèmes d'arthrites, le britannique travaille actuellement sa condition "afin de bien préparer la saison".

"Ma femme et moi avons passé l'hiver aux Etats-Unis, comme toujours", raconte Cal.

"Je fais principalement du vélo en hiver et j'aime bien avoir une période de coupure avec la moto. C'est peut-être pour ça que je ne suis jamais le plus rapide quand j'arrive à Sepang, mais j'ai quand même fait un peu de motocross, mais pas trop. J'ai par contre fait près de 4 500 km à vélo", signale ce passionné de la "petite reine" !

"C'est la façon de m'entraîner qui me convient le mieux, ça me permet de perdre un peu de poids et il n'y a pas d'impact pour mes genoux, contrairement à la course à pied. J'ai eu une tendinite au genou mais je suis maintenant de retour sur l'Île de Man et je récupère. Ça ne me gênera pas du tout sur la moto, je le ressens uniquement sur le vélo".

Alvaro Bautista est lui aussi très impatient de remonter en selle, l'espagnol ayant du pain sur la planche pour développer le nouveau prototype Aprilia avec son coéquipier Marco Melandri. Tellement de "pain" d'ailleurs que le pilote Gresini en vient déjà à s'interroger sur le potentiel de sa nouvelle moto...

"Je pense qu'Aprilia a fait un choix très osé en revenant dès 2015, quand Suzuki a par exemple passé deux ans à développer sa moto avant de revenir en Grand Prix. Je pense que ce sera une saison de développement pour nous, afin que nous puissions avoir une moto compétitive en 2016", estime le n°19.

Selon Bautista, le proto Aprilia recevra "pour la deuxième ou troisième course de la saison" la boîte Seamless développée à Noale et déjà testée par les deux pilotes lors de tests privés à Jerez. 

Les pilotes français impatients !

Quant aux deux pilotes tricolores alignés en MotoGP en 2015 (Loriz Baz chez Forwards et Mike di Meglio chez Avintia), leur impatience à reprendre la piste est quasiment identique et tout aussi palpable !

"Le test que nous avions fait à Valence à la fin de la saison dernière nous avait seulement servi à découvrir la moto et nous travaillons encore sur la position de pilotage", rappelle le savoyard Loris Baz, débutant en catégorie reine sur une M1 Open aux côtés de Stefan Bradl.

"Notre premier vrai test sera celui-ci et nous allons commencer à pousser vers les limites. Je dois apprendre en avançant étape par étape et éviter de faire des erreurs. Nous verrons ensuite où nous nous situerons pour la première course et j’espère que nous pourrons progresser afin d’être le plus près possible de la première Open", ambitionne "Baz-ooka" qui a fêté ses 22 ans dimanche 1er février.

Âgé de 27 ans, son compatriote Mike di Meglio entame sa deuxième saison en MotoGP mais il s'agit pourtant d'une grande première pour le toulousain : le n°63 passe d'une poussive CRT à moteur Kawasaki à un vrai "proto", en l'occurrence une Ducati GP14 identique à celle étrennée par son coéquipier Hector Barbera en fin de saison dernière.

"D’un point de vue personnel, l’objectif des prochains tests est de me rapprocher au maximum de mon coéquipier et d’être à sa hauteur", confesse "Di Meg". "Durant ces tests, nous allons beaucoup rouler, il faut donc que nous réduisions l’écart et que ça se sente au classement général".

Les résultats et comptes rendus de ces essais à Sepang seront naturellement à suivre jusqu'à vendredi sur MNC : restez connectés !