Journal de bord. Les aventures, rencontres, galères et gamelles de Benoît et de sa fidèle Freewind lors d'un périple de 8514 km et la traversée de 15 pays.
L E S R O U T E S |
TURQUIE
Balkans, Pays de l'Est, Turquie : un périple en Freewind
Journal de bord - Les aventures, rencontres, galères et gamelles de Benoît sur sa fidèle Freewind lors d'un périple de 8 514 km à travers 15 pays...
Départ pour la Turquie
Bonjour à tous,
Un petit mot ce dimanche soir avant mon départ en vacances. Je pars pour quatre semaines en moto (comme il se doit !) Destination : la Turquie. J'ai peaufiné ma préparation ce week-end. Le Freewind (lire notre dossier complet, Moto-Net du 5 septembre 2003, toujours vaillant, est entièrement révisé : plaquettes, chaîne, vidange, pneus. Prêt pour 10 000 bornes. La seule inquiétude vient de la distribution, dont je n'ai pas changé la chaîne. A 56 000 km sur un mono ce n'est pas très prudent, mais bon... Pour les bagages, c'est du classique : Sacoche réservoir (modèle compact), sacoches cavalières, top case, et tente accrochée avec une araignée. J'ai ajouté une prise 12v au tableau de bord pour recharger mon portable et une montre thermomètre.
Il ne me reste plus qu'à tailler la route d'abord vers Grenoble, puis l'Italie.
Bonjour de Sarajevo
Me voilà déjà à Sarajevo, je tiens le rythme de mon road book même si ça devient plus sportif.
Il y a 3 jours, j'ai donc traversé les Alpes dans des conditions assez difficiles. Les cols du Lautaret et du Montgenèvre sous un orage d'enfer, la route inondée et moi trempé jusqu'aux os. Le pied quoi ! Heureusement, le soleil brillait en Italie et dans ces conditions, la moto est un excellent séchoir. La traversée du nord de l'Italie par l'autoroute n'est pas vraiment passionnante. Ceci dit, juste avant Venise, il y a un petit massif montagneux sympa où j'ai pu me faire quand même quelques virages. Le soir j'ai même trouvé un petit hôtel apparemment fermé, dont le "sésame ouvre-toi" était un numéro de mobile indiqué sur la porte; un truc italien quoi. A part ça, le motard italien, ou il est en short et tee-shirt ou il est en combarde Dainese Rossi ou Biaggi Réplica !
Le lendemain j'ai visité Venise. Sympa mais d'un accès très compliqué (j'imagine même pas en caisse). J'y ai rencontré un français en side-car BFG (si, si, ça existe) avec sa femme et sa fille.
Enfin j'ai mis le cap sur la Slovénie, un joli pays alpin avec des routes magnifiques. Il va falloir organiser une balade slovène, mais il faudra bien étudier le road book car les noms sont absolument imprononçables. En gros, les Slovènes sont des suisses en moins riches, ce qui les rend tout de suite plus sympathiques (aïe, je vais fâcher Jef). Après ça, la Croatie est toujours très civilisée mais un peu plus bordélique quand même. La corniche au-dessus de l'Adriatique est magnifique et vaut à mon avis largement la Côte d'Azur (ça, c'est pour vexer Yves !).
En fait, ça ressemble à la Corse, en moins bien préservé, car si les français ignorent largement la Croatie, les Italiens et les Allemands ont bien compris l'intérêt de l'endroit. Ils ont donc débarqué en masse et ça gâche un peu le plaisir. Les routes côtières sont magnifiques (comme celles du Var) et on y rencontre pas mal de motos teutonnes ou italiennes. D'ailleurs, le soir, j'ai logé à Bribir avec 2 motards allemands très sympas : un gars très bavard en trail (TDM) et un gars pas très loquace (genre Gromph) en Aprilia RSV. Ça m'a un peu fait penser à Tchoub et moi. En tout cas, une soirée sympa et bien arrosée...
Plus on va vers l'est et plus c'est dur de rester sobre, car on ne peut pas refuser un verre (ou deux, ou trois…). Aujourd'hui, je suis passé en Bosnie Herzégovine. Je l'ai traversée du Nord au Sud jusqu'à Sarajevo. C'est un pays de montagnes et de forêts qui ressemble un peu aux Vosges.
Voyager au cœur de ces régions permet de mieux comprendre le conflit tragique qui a eu lieu ici. C'est plein de petites vallées isolées où des communautés très différentes se sont installées. Un peu de serbes par ici, un peu de bosniaques par là... alors tailler des frontières là-dedans, c'était mission impossible. Enfin, aujourd'hui, on peut se promener partout sans problème et c'est formidable, ça veut dire que les gens peuvent vivre à nouveau ensemble. Evidemment, il reste beaucoup à faire quand on voit toutes les maisons détruites, les façades criblées de balles, des cimetières etc.
Mais la reconstruction est en marche. Du point de vue moto (ça paraît un peu déplacé vu le contexte), les routes ont un tracé formidable, des virages partout mais le revêtement est en très mauvais état donc le trail est fortement conseillé. En effet, quand il n'y a pas carrément de trous, il y a constamment d’énormes vagues longitudinales avec des stries très profondes (genre A1 vers Roissy). Au début je me demandais ce que c'était, mais finalement j'ai compris que c'était les marques laissées par les chars d'assaut ! D'ailleurs on croise régulièrement les blindés de la SFOR (force de l'OTAN). Et puis il y a Sarajevo qui est maintenant une ville pleine de vie. Le soir, il y a des jeunes partout et les filles, bien que théoriquement musulmanes, ne sont pas voilées. En tout cas, c'est une ville qui vaut le coup.
A bientôt depuis la Serbie et grand V à tous.
Aventures bosniaques (suite)
Voici la suite de mes aventures bosniaques.
En ville, j'ai rencontré dans un bar un français du Jura en visite, car sa copine travaille comme attachée culturelle à l'Ambassade de France. A priori un boulot hyper cool et hyper bien payé (genre 35 000f/mois non imposables). Tout ça pour une licenciée d'histoire. C’était juste pour vous foutre les boules ! J'ai aussi eu quelques échos divergents sur les mines, mais apparemment toutes les routes et chemins sont déminés. Le danger est surtout pour les agriculteurs qui risquent de se faire sauter la tronche en se promenant dans leur champ, surtout à proximité de la ligne de front... en fait, c'est pour cela qu'il y a des zones plutôt désertes.
Finalement je suis parti pour Pale, le village des ultras serbes qui servait de siège au gouvernement de Karadzic et Mladic. Ici c'est calme mais tout est écrit en écriture cyrillique et on ne voit pas les couleurs bosniaques (bleu et jaune). Je prends de l'essence et je vois qu'il y a un petit atelier, or j'avais heurté un repose-pied sur un plot en béton dans un parking de Sarajevo. Je leur demande s'ils peuvent réparer. J'explique par gestes le problème à 2 mécanos qui ne parlent ou ne veulent parler que le Serbe (en général, ils connaissent toujours quelques mots d'allemand). Et vu leurs tronches assez inquiétantes, je me dis que ce sont peut-être 2 anciens criminels de guerre qui vont réparer ma meule ! En tout cas, ils l'ont fait très gentiment et gratos... paradoxes de l'après-guerre.
Ensuite, je continue sur Gorazde, une autre ville assiégée par les Serbes pendant 3 ans. On me dit que la route est très mauvaise, mais bon sang j'ai un trail ! Et effectivement, après quelques kilomètres, la route s'élève en lacets très serrés et le bitume disparaît pour laisser place à de la terre crevassée et de la caillasse. Je commence sérieusement à m'amuser dans cette petite spéciale d'enduro. Mais sur le bord de la route, on remarque partout des tombes fleuries avec des bougies. Et la plupart des maisons sont détruites.
Tout à coup au milieu du chemin je vois une Renault Laguna break immatriculée 44 ! Ce sont bien des nantais pur jus, en balade comme moi. Ils avaient visité la Yougoslavie il y a 15 ans et ils voulaient y revenir après tout ces événements. On discute un peu et une dame nous invite pour un café turc. Elle nous explique comment elle a perdu ses 2 fils... Il faudra encore du temps pour que la cicatrice se referme. Je passe ensuite un sommet d'où la vue est magnifique et j'attaque la descente très raide. Heureusement la route redevient bitumée et c'est un vrai plaisir motocycliste d'enchaîner tous ces virages, même s'il vaut mieux garder une bonne marge avec les gravillons, saignées et autres imprévus.
Et justement, à l'entrée de la ville, je négocie la dernière épingle en passant bien à l'extérieur pour éviter les voitures venant en sens inverse. Mais il y a une fine pellicule de poussière sur la trajectoire et une bagnole est garée à contresens à la sortie de l'épingle... grosse panique. Je tente bien de resserrer mais je bloque la roue avant et la moto se couche, meeeeerde ! La moto va taper le pare-choc avant de la bagnole, je passe par-dessus le guidon et me retrouve sur le dos. Heureusement je n'ai rien, merci M. Hein Gericke. Je me dis : « ça y est j'ai réussi ma gamelle bosniaque, ça va faire rire mon pote Pascal ».
Mais en attendant, je suis plutôt dans la merde surtout que l'incident n'est pas vraiment passé inaperçu. En effet il y a une caserne de l'armée bosniaque (croate) à cet endroit et tous les soldats ont les yeux rivés sur moi (gloup !). La proprio de la voiture (une Skoda Fabia toute neuve, ce qui est rare ici), apparemment une copine des soldats, accourt en tirant une sale tronche. Je m'excuse platement mais ça n'arrange rien, aïe, aïe ! Des soldats arrivent, s'enquièrent de ma santé et je peux les rassurer de suite.
Je constate les dégâts : apparemment ma bonne vieille Freewind n'a rien mais le pare-choc de la Skoda a pas mal morflé, du genre qui coûte un max à réparer. Je demande de l'aide pour relever la moto et là, j'ai l'impression de passer pour un criminel : Il ne faut rien toucher, on appelle la police, ils doivent faire des photos, l'enquête, bla bla.... Je leur montre l'essence qui coule sur la route, que c'est dangereux de laisser une moto couchée, en plus on bouche la route et un bouchon se forme. Ils ont fini par trouver un soldat qui parle un peu anglais mais, apparemment, c'est le facho de service : "this is our country, we will deal with this problem with our rules !" OK, pas d'embrouilles, j'adopte un profil ultra bas.
On attend la police un temps fou quand soudainement surgit une vieille Golf toutes sirènes hurlantes, arrêt en dérapage pur "Starsky et Hutch" et des flics descendent la main sur le flingue. Ça ne s'arrange vraiment pas. Bien sûr, ils ne parlent ni anglais, ni allemand, mais une fille peut vaguement traduire. Il faut faire des photos, prendre des mesures, etc. Effectivement, ils sortent un appareil photo digital et mitraillent littéralement ma moto ! Puis ils sortent le décamètre et prennent des mesures dans tous les sens, un vrai gag.
Heureusement, entre-temps une voiture de l'ONU est arrivée avec 2 conseillers chargés de surveiller la nouvelle police bosniaque. Ce sont un malais et un russe, ainsi qu'une interprète. Ils sont très gentils et constatent immédiatement la démesure de la situation. Le policier malais est lui-même motard, il a un Kawa 750 Zéphyr et on cause un peu moto ce qui ne peut qu'améliorer mon cas. Quant au russe, il dédramatise curieusement tout ça en prenant la position du "civilisé". Les flics bosniaques continuent leur enquête : je passe l'alcootest, ils vérifient mes papiers et prennent ma déposition. Il s'en suit un moment assez confus où ça discute un peu dans tous les sens. Je ne comprends pas grand chose à part que mon motard malais a bien fait remarquer que la bagnole n'aurait jamais dû se garer là.
Quant au russe, il propose que les soldats nettoient la route ! Et la proprio de la bagnole fait de plus en plus la gueule, apparemment son cas n'est pas si clair. Finalement les flics me demandent de les suivre au poste pour photocopier mes papiers. Je remonte sur la bécane, tente de démarrer et... rien. Grosse excitation, garage, etc. Je sens la merde et là, je finis de les épater. Je vois tout de suite que la poignée d'embrayage est tordue et que le contacteur de sécurité (il faut débrayer pour lancer le démarreur) ne marche plus. Je sors la trousse à outils et en 2 minutes, je démonte le bazar et shunte le contacteur. Ça marche et je vois qu'ils sont étonnés. Je suis les flics au poste, ils disparaissent à l'intérieur et une fois de plus, j'attends. Je suis un peu inquiet car les conseillers ONU sont partis (même s'ils m'ont assurés que tout irait bien). Soudain, les flics reviennent, me rendent les papiers, me souhaitent un bon voyage et d’un coup tout le monde s'en va et je me retrouve seul au milieu de la rue !
Je n'en demande pas plus et je me tire de cette ville au plus vite, direction la Serbie.
C'est une route de gorge magnifique qui me fait penser à l'Ardèche. Le temps s'est dégradé, l'orage gronde, c’est un peu inquiétant. Mais le truc qui fait vraiment peur, ce sont les tunnels : il n'y a pas d'éclairage, pas de marquage au sol, rien... je roule en pleine obscurité. A la frontière, j'achète un visa au poste de douane. On se croirait 30 ans en arrière. Le douanier tape sur une machine à écrire mécanique, le téléphone à cadran fait drring !, et un vieux poêle chauffe la cabane (on est en montagne et il caille un peu). La route est toujours aussi escarpée et l'orage éclate, d'une violence incroyable... l'enfer commence et il durera jusqu'à Belgrade. Vu les conditions, je n'avance pas et la nuit tombe. Le cocktail devient redoutable : route de montagne défoncée, pas de marquage au sol, pluie, obscurité, phare de moto pas terrible... je n'y vois plus rien et je me fais très peur. Heureusement, je me fais doubler par une Golf dont je constate que le conducteur pilote très bien (ce qui est rarement le cas, le style macho étant de rigueur). Je prends son sillage et il s'en rend compte, si bien qu'il m'attendra à chaque fois et me pilotera jusqu'à Belgrade où j'arrive à 22 heures. Franchement, je crois que c'est le truc le plus dur que j'ai fait en moto. Je le conseille vivement à mes pires ennemis.
Heureusement, à Belgrade, radioguidé par le portable, je trouve l'appartement de mon pote Mihai où je suis reçu comme un roi : une douche, de quoi manger, un lit où dormir... le pied quoi !
Carte postale de Bucarest
Je reprends ma chronique après quelques jours de repos. A Belgrade, j'ai passé une journée à visiter la ville en compagnie de mes amis Mihai et Jelena.
Mihai est un jeune artiste yougoslave qui vit maintenant à Paris. Il est en ce moment à la recherche d'un lieu à Belgrade pour exposer son travail. En sa compagnie, j'ai donc pu découvrir des coins intéressants de la ville. La citadelle, le Musée des Beaux-Arts, le Musée Militaire, le (modeste et délabré) stade d’entraînement du Club de L’Etoile Rouge.
Ce qui m'a frappé (et lui aussi d’ailleurs), c'est l'absence totale d'étrangers dans cette ville ! Et parfois la méfiance dans le regard des gens quand ils m'entendent parler français. Mais à part cela, c'est une ville très relax où il fait bon se promener. J'ai pu voir les dégâts causés par les bombardements américains de 1999 (toujours en cours de réparation). Curieusement, lors de ces événements, l'ambassade et le centre culturel américain avaient été saccagés mais personne n'avait touché aux 3 Mac Donald de la ville ! Nous sommes aussi allés rendre visite à la mère de Mihai à Novy Beograd.
Aujourd'hui la reconstruction est en route mais les gens vivent mal la régression de leur ville, autrefois la grande métropole internationale des balkans. Sinon, comme à Sarajevo, les filles ici sont magnifiques, arrrgh !
Je suis ensuite parti vers l'Est en direction de la Roumanie. D'abord par une autoroute (payante) de qualité tout à fait correcte, puis par une route sinueuse qui mène aux rives du Danube. Car à cet endroit le Danube forme des gorges appelées « Portes de Fer » qui sont franchement impressionnantes, vu la dimension du fleuve. La route monte et descend le long de la gorge jusqu'à atteindre un énorme barrage qui régule le fleuve et produit par ailleurs 2100MW, le plus puissant d'Europe. C'est une coopération entre yougoslaves et roumains. On traverse le barrage pour atteindre la Roumanie. J'oublie de dire que tout cela se passe sous un vent terrible qui me rappelle l'Islande !
A l’arrivée en Roumanie, on sent tout de suite que l'on est dans un pays latin, vu le joyeux bordel qui règne. Je suis plutôt effrayé par la queue énorme devant le poste de douane. Heureusement, mon statut de ressortissant de la Communauté Européenne me permet de by-passer tout cela et la douane est franchie en 10 minutes et en toute bienveillance. Il y a toujours autant de vent mais le temps est plus sec. La route n'est pas mauvaise, pas de trou, mais pas du tout nivelée. Montagnes russes permanentes, on se croirait dans les woops d'un supercross : suspensions à grand battement conseillées. Par contre, curieusement, la signalisation est excellente : Villes et numéros des routes sont clairement indiqués AVANT les carrefours. Tout cela est bien à l'image de ce pays où le meilleur côtoie le pire. Les villages sont vraiment très pauvres avec de nombreuses charrettes à chevaux mais les stations services (Shell, Agip,...) sont au standard occidental. Etonnant.
Sur la route, par la magie du téléphone GSM, je contacte sans problème mes amis roumains à Bucarest et nous nous retrouvons à l'entrée de la ville à côté d'un hypermarché Carrefour flambant neuf.
Ils en sont très fiers. Je les suis jusque chez eux et la moto ne passe pas vraiment inaperçue. Comme tout le monde ici, ils habitent dans des blocs du plus pur style stalinien triomphant. L’état extérieur est affligeant mais leur appartement est parfaitement arrangé et confortable. Une fois de plus, c'est tout le paradoxe de ce pays où il ne faut jamais se fier aux apparences.
Depuis 3 jours, j'ai laissé la moto de côté pour profiter du soleil et de l'hospitalité roumaine et cela fait du bien.
En effet, les Carpates nous protégent des pluies diluviennes qui s'abattent en ce moment sur l'Europe orientale... pas de souci de ce côté.
Je reprendrai bientôt la route pour la Turquie qui est maintenant toute proche et je ne manquerai pas de vous en parler
C'est reparti !
Comme je vous l'ai dit précédemment, j'ai pris quelques jours de repos pour redécouvrir la Roumanie (en effet, j'étais déjà venu ici en 91 et 96). Depuis cette époque, bien des choses ont changé : les circuits de distribution se sont développés et les magasins sont pleins de tous les produits que l'on trouve chez nous. En conséquence, le fait d’être occidental, s'il est rapidement détecté (dieu sait comment) n'impressionne plus personne. L’état s'est organisé, les rues sont moins bordéliques et on trouve de l'argent dans les distributeurs VISA. Il n'y a donc plus ces agents de change ambulants qui pourrissaient la vie.
Le problème, c'est que derrière ces changements apparents, le niveau de vie des gens n'a pas beaucoup évolué ce qui rend la vie très difficile. Mon ami Laurentiu a la chance d'avoir trouvé un job de commercial pour Nestlé et, de ce fait, gagne 500 euros par mois plus une voiture de fonction. Cela fait de lui un privilégié. Sa femme, Cristina, qui est prof, gagne par exemple 75 euros par mois ! Nous sommes allés nous promener au Parc de l’Université, dont les habitants de Bucarest sont très fiers, et cela ne choque personne que ce parc soit l’hôte de monstrueuses et apparentes installations électriques. En fait on pourrait croire à un montage artistique intitulé « Nature et électricité »…
Bien sûr, les produits locaux sont très bon marché. Prendre une bière à une terrasse revient à moins de 1 euro et le kilo de tomates vaut 0.3 euros. Une autre chose très économique est le téléphone GSM et presque tout le monde en a un, les compagnies (dont Orange) pratiquant des prix très agressifs. Bien sûr, on trouve les inévitables Mercedes 500 et autres BMW X5 flambant neufs... mafia, politiciens, nouveaux riches, qui sait?
J'ai aussi visité la « casa poporului » (maison du peuple), la dernière folie de Ceausescu. Durant les années 80, il a détruit la moitié du centre ville historique pour construire ce monstre de 330 000 m2 de surface de bureaux : Le plus grand bâtiment d'Europe et le 2ème au monde après le Pentagone. Réalisé dans un style pompier avec force marbres et dorures, il est complètement déplacé dans ce pays (on l'imagine plutôt à Las Vegas !). La nouvelle classe politique avait promis de ne pas employer ce symbole de la dictature mais après 10 ans, comme tous les politiciens, ils ont craqué et ils ont installé le parlement et les ministères dedans.
J’ai garé ma moto dans le garage d'un ami. Ici, question 2 roues c'est le vide total : Même pas de mobylettes ou de vélos. J'ai bien vu un VFR800 et une XT600 encore immatriculée en France dans le 06. Vu l’état de la bête, je ne serais pas surpris que ce soit une bécane volée.
Bref, ce matin j'ai décidé de reprendre la route au grand désespoir de mes hôtes ! Mais les pluies sont en train d'arriver ici et je préfère descendre vers le Sud avant. Nous nous rendons donc au garage de l'ami bienveillant, mais il nous arrive une mauvaise surprise : s'il est effectivement très gentil, il est également mauvais conducteur et en rentrant sa bagnole (une Dacia alias R12), il a tassé ma bécane contre le mur : rétro gauche fendu, tête de fourche déformée et bulle cassée. J'ai sérieusement les boules mais vu l'état de désespoir de mes amis face à la situation, je n'ai pas le cœur d'en rajouter en râlant. On sort le chatterton large et la bulle est vite réparée. Ça marche mais ma bécane commence vraiment à ressembler à un rat bike.
Je pars vers le Sud, la frontière bulgare est à 60 par une route rectiligne.
Grands adieux au poste frontière. Après des formalités un peu laborieuses côté roumain, je peux rejoindre le poste frontière bulgare. Ici, c'est assez spectaculaire car le Danube marque la frontière et il fait près d'un kilomètre de large ! On passe donc sur le plus long pont métallique d'Europe appelé "pont de l'amitié" alors que roumains et bulgares se détestent cordialement… Malheureusement, au moment de traverser le pont, l'orage gronde mais je décide d'y aller sans mon équipement de pluie. Erreur fatale car une fois engagé sur le pont, il est interdit et impossible de s'arrêter et évidemment, un véritable déluge s'abat. En quelques minutes, je suis trempé jusqu'aux os, et je présente au douanier bulgare des papiers détrempés du meilleur effet. Heureusement ils sont très cordiaux et je passe sans problème. Il ne reste qu'à passer la combinaison de pluie par-dessus les vêtements mouillés et rouler pour essayer de dépasser l'orage. La route est littéralement transformée en piscine mais au bout de 100 bornes je retrouve le soleil, ça va mieux ! Maintenant, trouver son chemin avec les signaux en cyrillique, ce n'est pas évident. Je m'arrête à ?????? ???????, pardon Veliko Tarnovo, une charmante petite ville à flanc de montagne.
Les gens sont hyper gentils et veulent à tout prix communiquer.
Les cafés Internet sont hyper équipés : jeux en ligne, vidéoconférence, etc. Etonnant aussi les locaux de Prosoft, qui n’affichent pas leur éclatante réussite par des signes extérieurs de richesse…
Le problème c'est que ce soir, il pleut !
Il faut plonger toujours plus au Sud.
Un nouveau terrain de jeu
Je vous avais quitté au début de mes aventures bulgares. Après une période plutôt humide, le temps heureusement était sec le lendemain. J'ai commencé par une rapide visite de la ville de Veliko Tarnovo : Située au centre du pays et construite sur le flanc d'une gorge, elle ne manque pas de charme. Il faut dire que contrairement à leurs camarades roumains, les communistes bulgares ont préservé les bâtiments anciens, se contentant d'ajouter de nombreux monuments et statues du meilleur style réaliste socialiste. La Bulgarie est le pays qui a le plus conservé des apparences communistes : on y rencontre encore de nombreuses Lada et Moskvitch, les camions sont des Liaz ou des Kamaz, il n'y a pas de cigarettes occidentales, pas d'enseignes clinquantes à la gloire des marques occidentales. Cela, ajouté au côté mystérieux de l'écriture cyrillique, rend finalement le pays assez attractif pour le touriste occidental en mal de dépaysement. D'autant que la nature est très belle et variée. Les gens sont extrêmement gentils même si j'éprouve de réels problèmes de communication, bien que je parle l'anglais et l'allemand. Ici, je crois que le russe serait plus utile ! Car contrairement aux autres pays de l'est les Bulgares éprouvent plutôt de la sympathie pour les Russes. Disons qu'ici on peut prononcer le mot "russe" sans avoir l'impression de dire une grossièreté.
En repartant vers le sud, j'attaque immédiatement la traversée de la chaîne de montagne qui traverse le pays d'est en ouest avec un col à 1350m. C'est sympa mais la route est plutôt pourrie.
Disons que contrairement à la Roumanie où les routes ont été mal construites dès le départ, ici la construction est très bonne mais le manque d'entretien est flagrant : Raccords grossiers, trous, gravillons... les pièges ne manquent pas. Les portions de route en agglomération sont désastreuses, parfois, il n'y a carrément plus de revêtement, il vaut donc mieux ralentir à l'approche des villages surtout que les charrettes tirées par des ânes ne sont pas rares. Sur la route qui mène à la Turquie, je décide de faire un détour dans une vallée qui part au Sud vers la Grèce pour voir un monastère byzantin fameux à Bachkovo. C'est une route de gorge assez fréquentée qui mène à ce site apparemment très prisé des bulgares.
Architecturalement ce n'est pas génial. Les Turcs ont détruit le monastère qui a été reconstruit au 19e siècle. Mais comme il fait beau et que le coin est sympathique, je décide de continuer vers le sud jusqu'à la ville de Smolian à 100 km où je ferai étape. Je suis quand même là pour faire du tourisme !
Et c'est du pur bonheur. Les routes étant moins fréquentées, elles sont en meilleur état et ça tournicote sans arrêt. Quant aux paysages, cela fait penser aux Vosges ! Sans blague, alors que sur l'autre versant c'est la Grèce et ses paysages d'ocre et de pierre, ici ce sont des sapins et de la verdure à perte de vue. D'ailleurs le climat est plutôt rigoureux et j'ai sorti la polaire. Etonnant. J'arrive dans une petite ville de montagne qui de toute évidence est également une station de ski (altitude 1 300m).
Un peu au pif, je trouve refuge dans un petit hôtel familial tenu par une sympathique femme à moustache (une vraie !). Tout le confort pour 10 euros et la dame tient absolument à ce que je range ma moto dans son salon pour la nuit ! Je comprendrais pourquoi le lendemain quand elle me facturera le garage 1 euro. Comme d'habitude elle me prend d'abord pour un anglais, un allemand, un hollandais avant de comprendre que je suis français. Dans ce coin paumé, je trouve facilement un café Internet où règne une intense agitation : Une bande de gamins de 11 à 15 ans se livre une furieuse partie de Half-Life en réseau... sans doute de futurs petits génies de l'informatique. A la télé, le soir, je tombe sur une émission sportive qui montre une course de supersport bulgare : Non, je ne rêve pas et il faut voir l’état de la piste, bonjour les raccords de bitume. Je reconnais surtout des GSXR et des ZX6R. Décidément quel drôle de pays ! Le lendemain, je continue ma découverte de la région et je rencontre un motard bulgare en Africa Twin.
Sa copine et lui parlent très bien l'anglais et c'est l’une de ces rencontres magiques. Il me parle de concentres, il y a bien une certaine culture motarde dans ce pays. Quant à ces montagnes elles s'appellent Rodoppe et sont bien connues des amateurs car très peu fréquentées vu que, rideau de fer oblige, aucune route ne mène en Grèce. Ce n'est donc qu'un cul de sac qui fait un excellent terrain de jeu pour nous motards. Bon d'accord, c'est un peu loin de la France, mais bon...
Cap sur la Turquie
Il est temps de mettre le cap sur la Turquie. En 150 km je suis à la frontière turque sous un soleil de plomb, quel contraste ! Mais quel bonheur d'y être enfin.
Le passage prend du temps mais c'est normal on est en Orient. Après quatre contrôles de passeport successifs, je peux enfin ouvrir en grand sur une belle route rectiligne. Au bout de 10 km, je suis arrêté par la police. Très poliment, ils m'expliquent que je viens d’être radarisé à 114 km/h pour une limite de 80. Je n'y crois pas... enfin ils me délestent de 40 000 000 de lires turques (soit 30 euros) et très poliment me laissent repartir ! Faire tout ce voyage pour se faire piéger par un radar avec un mulet comme mon Freewind, il faut le faire.
A Edirne, première ville après la frontière et ancienne capitale ottomane, je m'arrête pour visiter la mosquée de Selim : Un vrai chef-d’œuvre, monumental et plein de légèreté. C'est vrai que les églises byzantines vues précédemment paraissent soudain bien insignifiantes.
Ensuite, au lieu d'aller directement vers Istanbul, je pars au sud pour faire le tour de la mer de Marmara. Après une centaine de kilomètres de plat et un col à 350m apparaît la mer Egée sur fond de coucher de soleil... le pied total.
Ce soir je dors à Gallipoli, ville sur le détroit des Dardanelles. Je vois les rives de l'Asie à peine à 2 ou 3 kilomètres. Demain j'y serai.
PS : Sur un passage à niveau bulgare particulièrement meurtrier, j'ai un peu amoché ma jante avant. J'arrivais à 30-40 quand j'ai vu le rail nu bien en surplomb et là, erreur fatale, au lieu de mettre un coup de gaz pour délester l'avant, j'ai paniqué et tapé dans les freins et la roue avant a tout pris. la destruction continue…
Turquie la suite
Cela fait un moment que je vous ai laissé sans nouvelles. Mais ma découverte de la Turquie n'est pas allée sans quelques péripéties que je vais essayer de vous raconter. J'en étais resté à mon arrivée en Turquie d'Europe, la Thrace.
Après une nuit passée a Gallipoli (ou Gelibolu en turc), un petit port situé dans le détroit des Dardanelles qui commande l’entrée de la mer de Marmara.
En ce lieu hautement stratégique, la principale attraction est la visite des champs de bataille et donc des cimetières (!) liés à l'offensive franco-britannique de 1915 : Un échec cuisant qui a fait 250 000 morts en 9 mois !
Mais c'est le dénommé Mustapha Kemal, futur Atatürk, (sinistrement célèbre dans la communauté arménienne), qui les a tenu en échec. Ses exploits militaires lui ont permis de créer plus tard la République turque actuelle. C'est donc un lieu très visité par les Turcs.
C'est aujourd'hui une promenade très agréable en moto à travers la presqu’île de Gallipoli.
J'ai ensuite pris un ferry pour traverser le détroit et me retrouver finalement en Asie.
Mon idée initiale était de filer droit vers l'Est pour découvrir l'Anatolie qui est vraiment la Turquie profonde.
Mais, suite à mes pérégrinations en Europe de l'Est, je me rends compte que je n'ai plus vraiment le temps si je veux rentrer en France le 1er septembre et conserver mon boulot ! La Turquie est un pays immense, traversé de nombreuses chaînes de montagne et pratiquement dépourvue d'autoroutes. Les temps de déplacement sont donc importants.
Sur ces bonnes résolutions, je pars à la découverte de la Turquie égéenne qui regorge, en fait, de sites grecs antiques. Et c'est ainsi que de nombreux chercheurs turcs sont maintenant des hellénistes avertis. Et dans tous les sites touristiques, la Turquie fait la pub de la civilisation grecque. Paradoxes de l'histoire.
Bref, en descendant la côte, je visite d'abord Troie. Une visite pour initié car il n'en reste pas grand chose et les différentes cités superposées se mélangent... Pas facile de s'y retrouver.
Après quelques sites mineurs (mais plus évocateurs) sur la route côtière, surprise, je rencontre un motard italien avec une passagère.
Nous roulons de concert jusqu'à Assos, un site magnifique perché sur un rocher face à l'île de Lesbos. Présentation : il vient de finir un tour complet de la Turquie, visitant tous les sites anatoliens dont je rêvais ! Dur. Mais il a fait ça seul et il a pris le bateau de Venise à Izmir direct.
Ainsi, il est directement à pied d’œuvre, c'est aussi une option intéressante. Sa copine ne l'a rejoint que la veille à Istanbul. Enfin il dispose de la machine idéale pour ce genre de trip : la nouvelle BMW GS1150 Adventure. Je détaille la bête avec envie... vraiment géniale, ils ne plaisantent pas les Teutons.
Le lendemain ils partent vers Lesbos pour de vraies vacances, fini le trip de motard fêlé ! Moi je descends visiter l'Acropole de Pergame.
Puis un site grec qu'il m'a recommandé : Aphrodisias... tout un programme. Pour l'atteindre, il y a deux chaînes de montagnes à traverser. C'est l’occasion de découvrir quelques routes 3 étoiles : virages et paysages à couper le souffle. En haut d'un col, je découvre un lac d'altitude dans un ancien cratère (environ 1 300m) : le climat est frais et la végétation de type alpine : surprenant.
Je décide de camper là et de jouer un peu aux hommes des bois.
Je rencontre évidemment des habitants du coin qui m'invitent à manger chez eux. C'est super, mais impossible de communiquer puisqu'ils ne parlent que le Turc. Quel dommage d’être là, à se regarder sans se comprendre… Mais voilà qu'un berger descend de la montagne pour venir manger chez eux, et voilà qu'il me dit 2 ou 3 mots en français. Je ne suis qu'à moitié surpris car de nombreux turcs connaissent quelques mots de français, allemand et anglais, quelques formules de politesse mais ça s’arrête là. Mais je vois que le gars réfléchit, creuse sa mémoire et on commence réellement à discuter en français. Il m'explique qu'il a appris au "lycée". Ça change tout et on passe une super soirée. Mais la nuit, ça caille sérieusement et c'est un peu limite car je ne suis pas équipé pour le froid cette fois.
Le lendemain je descends vers Aphrodisias, un site effectivement exceptionnel et très bien conservé.
C'est l'occasion de rencontrer quelques bus de touristes français, espagnols ou allemands venus d'Izmir, merci Pacha Tours. Ensuite, je décide de poursuivre un peu plus au Sud Est jusqu'à Pamukkale. Un site très connu de sources chaudes qui coulent sur des affleurements de travertin blanc. Je sais que c'est hyper touristique mais bon, ce sera le point le plus oriental de mon voyage. Dans la plaine, le soleil tape vraiment très très fort et pour la première fois je souffre réellement de la chaleur. A Pamukkale, comme prévu : autocars en pagaille, échoppes dans tout les coins, c'est un peu le Mont St Michel turc ! La principale attraction c'est de se baigner et là, la moto avec les bagages et tout c'est pas vraiment adapté. Je visite quand même les ruines de Hiérapolis, sans doute la plus vieille station thermale du monde. Mais bon, il est 5 heures et je m'arrache pour trouver un coin pour dormir. Depuis le début je ne sens pas bien cette petite excursion, je ne sais pas pourquoi. Cap au nord ouest on rentre ! Je repars par la même route qu'à l'aller. J'accuse un peu le coup et après une longue ligne droite... j'oublie de tourner et je me retrouve par terre dans un champ labouré. Je me relève et, première constatation, je vais bien, tout fonctionne normalement. Je regarde la machine et là, patatras, tout s'écroule. Je vois que la fourche est faussée, la roue avant pointant sérieusement à droite. Le ciel me tombe sur la tête, je me vois déjà en train d'appeler l'assistance rapatriement... Immédiatement une voiture arrête et les gens m'aident à relever la bécane (ça change de la Bosnie). Je constate que la bulle avant est sérieusement froissée. L’arrière n'a rien et je pense tout de suite que je peux rouler à basse vitesse. Je leur propose donc d'aller jusqu'à la ville suivante à 5 ou 6 bornes. Ils prennent mes bagages et se placent derrière moi avec les feux de détresse... vraiment sympa.
On arrive à Saraykoy, vous ne connaissez pas, moi non plus, mais je vais apprendre à connaître. Ces gens ne parlent que turc (décidément) mais à la station service on trouve une personne qui parle allemand et, à partir de là, mes vieilles connaissances d'allemand vont me sauver la mise. Je demande où trouver un garage, car dans un dernier espoir je décide de me donner une journée avant d'appeler l'assistance.
On m'amène dans un petit garage de motocycles qui traite essentiellement des 103 Peugeot et des 51 Motobécane. La grosse bête du coin est une Jawa 350 ! En tout cas, c'est beaucoup mieux qu'un garage de bagnoles où les gens ne connaissent généralement rien aux bécanes.
Autre chance le fils, Hakan, travaille en Allemagne et est justement en vacances. Je tiens mon interprète et le père Ufuk a l'air très sympa. Tout le monde observe la bécane avec force commentaires... aussi je prends les devants et commence à tomber le carénage histoire de voir exactement les dégâts.
On démonte la fourche et là c'est clair, les 2 tubes sont faussés.
Les Turcs, jamais à court d'idées, me parlent d'un atelier de mécanique de l'autre côté de la ville. Et me voilà juché sur le porte-bagages d'un Peugeot 103 avec mes 2 tubes de fourche dans les bras en train de traverser Saraykoy !
Cette histoire commence à devenir amusante finalement. A l'atelier, je vois un tour et une fraiseuse mais rien pour nous aider et, effectivement, les gens nous conseillent d'aller à Denizli, la ville la plus proche (250 000 Hab) et nous recommandent un atelier où il y a une presse hydraulique. Ouais... Mes amis toujours enthousiastes veulent y aller direct mais il est 19h30 et je leur propose plutôt d’arrêter les frais pour aujourd'hui. J'en ai eu ma dose et une bonne nuit ne me fera pas de mal. Ufuk me négocie un prix à l’hôtel du coin pour 6 millions de lires, soit 4 euros ! C'est un peu miteux mais correct. Je lui propose une bière mais il me dit : "Non, on ne boira la bière que quand la moto sera réparée et que tu pourras repartir". En fait, il ne pouvait pas trouver de meilleurs mots pour me réconforter.
Et puis, il y a l'incident de l'hôtel. J'avais bien trouvé le réceptionniste un peu bizarre. Or vers minuit, on frappe à ma porte. Surpris, j'ouvre et c'est le réceptionniste qui m'amène une bouteille d'eau. Sympa vu la chaleur, d'ailleurs je suis en caleçon. Je me recouche et 3 minutes plus tard on frappe à nouveau.... J'ouvre et dans l'encadrement de la porte je vois le réceptionniste en maillot de bain féminin (en bikini quoi !). Je vous jure que je n'invente rien. Il est tout excité et veut carrément rentrer dans la chambre. Mon instinct reprend rapidement le dessus. Je l'attrape et le balance dehors, il s'enfuit dans le couloir. Dingue, moi qui flippait pas mal ce soir là, maintenant plus moyen de dormir. Etre agressé par un homo turc, j'aurais même pas imaginé.
Le lendemain, on doit partir pour Denizli. Il est 9 heures et on attend. Ils m'expliquent qu'il faut attendre le bus car les bus du matin sont trop bondés. Je demande si on peut prendre un taxi mais ils trouvent cela trop cher : 20 millions soit 14 euros aller-retour ! C'est là qu'il faut un minimum de respect et ne pas sortir brutalement les biffetons de sa poche. Je leur explique qu’attendre me coûte très cher et que je pense que ça vaut le coup. On décide d'y aller après avoir négocié pour 15 millions avec un petit vieux en R12 break. On arrive à un atelier de mécanique agricole avec une presse hydraulique de 150 tonnes. Je ne suis pas rassuré. Mais l'homme de l'art a l'air assez sérieux.
Et on commence à redresser au jugé et à vérifier la rectitude avec le tour. Au bout d'un moment ça n'a pas l'air trop mal, en tout cas nettement mieux qu'avant. De toute façon, il n’y a pas le choix. Entre temps le taxi c'est impatienté et réclame maintenant 20 millions ! Au retour, c'est l'heure de manger. Pas de discussion, j'y vais et en fait c'est les distributions de bouffe faites par les mosquées. On y mange pas mal mais il faut supporter les bonnes paroles vomies par les haut-parleurs avec force décibels. Enfin, me voilà, un non-croyant, au milieu de tout ça mais tout le monde est très gentil. Décidément, je découvre la Turquie profonde. On remonte la fourche, il a aussi fallu redresser l'axe de roue avant. Ça ne tombe pas pile poil mais ça a l'air d'aller.
Je fais un petit essai, je sens bien que la moto saucissonne un peu mais c'est roulable. Il reste à remonter le carénage. Là c'est l’affaire de Super Glu et de scotch. Heureusement j'avais tout ça avec moi. Finalement j'arrive à tout remonter sauf le pare-brise qui est vraiment en petits morceaux. J'ai donc transformé mon Freewind en roadster mais entièrement "street legal" car tout fonctionne : phare, clignos, avertisseurs, tableau de bord. Pas si mal le rat bike. On en profite même pour faire la vidange. Je laisse Ufuk faire un tour avec la bécane histoire d'aller la laver à la station service. J'emmène les enfants faire un tour. Et enfin on prend cette bière ensemble.
Je tiens tellement à les remercier mais c'est Ufuk qui me remercie et il m'invite même au mariage de sa fille l'année prochaine. Tiens, les filles justement, je n'en ai pas vue une durant toute cette histoire et ça aussi c'est typique de la Turquie profonde. Quand je lui demande ce que je lui dois, il me répond qu’il a été tellement heureux de m’aider que je peux lui donner ce que je veux ! Je lui laisse 25 millions. Pas facile dans ces cas là de trouver la bonne mesure.
Finalement je suis reparti, non sans mal, vers 16 heures. Après 4 ou 5 bornes un camion, que je dépasse, me fait des appels de phare. Je m’arrête et je vois que mon top case est mal fermé. Je referme et je redémarre. Mais là plus rien, le démarreur reste muet.... je n'y crois pas. Je vérifie mon petit bricolage bosniaque, je vérifie que toutes les autres fonctions électriques sont OK. Alors pour ne pas céder à la panique, je vérifie bêtement les fusibles. Et là, surprise, le fusible du relais de démarreur est mort. J'hésite avant de le changer car je n'en ai qu'un de rechange et il risque de griller à nouveau s'il y a un problème… Ras le bol, je tente le coup, et ça marche. Je repars sans problème, comme quoi parfois la chance... Bon, maintenant je teste vraiment la bête. Ça guidonne sérieusement autour de 50-60 km/h puis ça se calme et c'est bien stable entre 90 et 110. Nickel pour rentrer en France ! L’arrière est parfois baladeur mais vu les rainurages des routes turques c'est difficile de juger. En revanche, je me rends compte de l'efficacité qu'avait mon pare-brise. A partir de 100, c'est la lutte contre le vent et les cervicales souffrent. Je plains les possesseurs de roadsters.
Enfin, me voilà ce soir à Balikesir à 300 bornes d'Istanbul. Pourvu que ça dure…
Et maintenant l'Ukraine
Il faut quand même que je finisse mon histoire ! Je vous avais laissé alors que j'avais finalement repris la route avec ma moto rafistolée à la Turque. Et ma foi, ça ne se passe pas trop mal si on oublie un peu les vibrations qui remontent dans le guidon. Pas évident car cela me rappelle constamment cette chute stupide. Autant je pense que ma chute en Bosnie fait partie des aléas de la vie de motard, autant cette dernière chute est vraiment stupide et entièrement de ma faute. C'est une école d'humilité, quand on a l'impression que l'on commence à maîtriser, c'est là que ça vous tombe dessus.
Je me suis donc arrêté à la tombée de la nuit à Balikesir, une ville située à 300 km d'Istanbul. Je constate de suite que la ville est beaucoup plus "européenne". Ceci dit, manque de bol, il y a apparemment une sorte de grande réunion dans la ville (politique apparemment) de sorte que tous les hôtels sont complets. Mais avec les Turcs, il faut toujours insister car ils ne supportent pas l'idée de laisser un étranger à la porte. C'est ainsi que pour 6$ un hôtelier me propose de dormir dans le sofa de la salle télé. Pas de problème, j'installe mon fourbi et je vais manger.
Quand je rentre, il y a 3 lits de camp installés et occupés dans la salle ! Sympa le Turc, mais pas fou non plus, il ne perd pas une occasion de faire de la tune.
Le lendemain, cap sur Istanbul et par la voie la plus directe. Plus le temps ni les moyens de finasser maintenant. On ne peut plus vraiment parler de plaisir de conduire mais plutôt de tactique de survie : maintenir une vitesse suffisante pour éviter le guidonnage et anticiper au maximum pour éviter les coups de freins brusques. Car si les freins marchent très bien, la roue avant n'apprécie pas du tout ! Finalement c'est un très bon entraînement.
Après avoir traversé un bout de la mer de Marmara en ferry, j'arrive à Istanbul par le côté asiatique.
La traversée du Bosphore par un des deux ponts suspendus est un grand moment, surtout que le temps est parfaitement dégagé. Pas facile de se diriger dans Istanbul en moto... Heureusement, j'ai déjà visité la ville il y a quelques années et j'en ai encore de bons souvenirs. Je m'inquiète d'abord de mon trajet de retour. Pour cela direction le port de Karakoy d'où partent tous les ferries.
A peine arrivé, je vois une enseigne "Odessa" en cyrillique. Je rentre et suis accueilli par 2 sympathiques ukrainiens qui parlent parfaitement anglais. Je leur demande s'il y a des bateaux en partance pour Odessa pour moi et ma moto. Voyant la moto et constatant que je suis français, ils sont un peu décontenancés par ma demande mais en bons commerçants se reprennent très vite : "Non, le bateau est parti il y a 3 heures mais si vous voulez vous pouvez partir ce soir pour Kherson". Qu'est-ce que c'est Kherson? Un port situé à 180 km à l'Est d'Odessa. Allez, ce n'est pas le moment de mollir, je dis banco. On négocie rapidement un prix à 100 $ tout rond et en liquide ! Mais on est samedi après-midi et il reste encore à dédouaner la moto, rentrer sur le port, etc. Et là, effectivement, cela n'a pas été tout seul. Après que la police et la douane m'aient fait tourner en bourrique (le jeu du "c'est pas moi c'est lui"), j'ai finalement dû faire appel à un des agents du port. Ah les agents ! Ils commencent toujours par vous piquer tous vos papiers pour pouvoir négocier leur commission après. Enfin, c'est le jeu et finalement il m'a démerdé le truc pour 30 $.
Je me rends donc au bateau, nommé Victoria. C'est une sorte de cargo mixte (fret + passagers) battant pavillon géorgien. A bord, il n'y a que des passagers russes et ukrainiens : quelques familles qui ressemblent bien à des touristes, mais aussi de nombreuses jeunes filles non accompagnées (tiens, tiens !) et des marchands qui viennent visiblement s'approvisionner à Istanbul. Du coup, chacun de ces derniers se pointe avec un ou deux camions de bazar, c'est le mot (échelles en alu, sets de salle de bain, sandales...). Du coup le chargement du bateau est plutôt folklorique et le retard s'accumule bien entendu.
Dans cet ensemble, je fais tâche : « francuzski » avec « motocyklets ». Au moins cela attire la sympathie des marins et je peux lier contact avec eux surtout que la plupart parlent un minimum d’anglais. Finalement on treuille ma moto sur le bateau vers 1h du matin ! Je peux enfin aller me coucher.
Je passerai la journée suivante à dormir. Pour le prix de 100$ tous les repas sont compris, mais dans la plus pure tradition de la cantine soviétique. Pas de prise de tête pour choisir son menu, une serveuse vous amène direct le borsch ou le poulet purée. Décidément cette croisière vaut le détour. Le soir je suis d’attaque pour aller au bar du bord, transformé en discothèque.
Là, par contre, on paie en dollars. Sur la piste des filles dansent de façon visiblement très professionnelle ! Finalement, en discutant avec les barmaids et une touriste qui parle bien anglais, j'ai droit à quelques explications.
Les touristes paient un forfait de 150$ pour 6 jours y compris l'hébergement à bord pendant le séjour à Istanbul. Evidemment, quand mon interlocutrice me dit que comme prof elle touche un salaire de 45$ par mois, ça s'explique.
Quant aux filles, ce sont des prostituées proposant leur services dans les rues d’Istanbul, qui doivent retourner en Ukraine tous les mois pour refaire faire leur visa. C'est donc le gros de la clientèle du bateau. Et le proprio du bateau qui est à bord, un russe sibérien de type asiatique, tire gros profit de la situation, se payant en $ mais également en nature. Bref, la croisière s'amuse ! Mais sur ce, de nombreux marins de l'équipage se sont joints à la fête, la vodka ne manque pas de couler et je dois dire que l'on a bien rigolé. Malheureusement toute médaille a son revers et le lendemain, j'allais découvrir un autre aspect de la réalité ukrainienne.
En effet, à l’arrivée, c'est le contrôle douanier.
On commence par le contrôle des personnes et tout va bien. Mais ensuite c'est le contrôle des biens. Il y a 2 formulaires hyper compliqués à remplir (des trucs à la soviétique). Après quelques petites tracasseries sur la forme, on arrive au fond du problème : n'ayant pas de service de ferry à Kherson ces messieurs n'ont jamais importé de véhicule, ils ne savent donc pas quoi faire de ma moto. Je vous passe le détail de leur incompétence et de leur bêtise mais j'ai fini par m'énerver. Finalement, étant arrivé à quai à 16h, on a pu décharger la moto à 21h30 (tout le reste du chargement était également bloqué !). Et là, il a encore fallu attendre pour refaire tous les papiers.... Ubuesque. Heureusement mes amis ukrainiens m'ont bien aidé, y compris pour trouver un hébergement vers minuit, pas évident dans un pays comme celui-ci.
Toute la côte de la Mer Noire était hautement stratégique du temps de l'URSS et a donc été fortement russifiée, cela se sent. Les gens parlent plus russe qu'ukrainien et ne ressentent pas une forte identité nationale. Ce soir, je suis à Lvov dans l'ouest du pays et c'est complètement différent. Par ici il ne fait pas bon parler russe !
Car le lendemain de cette traversée mémorable je suis donc resté à Kherson pour les visites et pots d'adieux inévitables. Le plus dur ici c'est de boire de l'eau ! Quelques photos de Kherson :
Enfin ce matin, je suis reparti vers 8h pour traverser l'Ukraine de part en part : 860 km de routes défoncées avec une moto amochée : un truc de dingue mais il faut bien rentrer.
Heureusement, le pays est plutôt plat et il n'y a pas beaucoup de virages. Mais les routes... ici l'expression "route pourrie" prend tout son sens : peu de trous finalement mais je n'ai jamais vu de chaussées aussi déformées. Et la ville de L’viv (plus connue en Europe sous son nom russe de Lvov) à quelques kilomètres de la Pologne est très jolie et propre, il y a même un Mac Do : on est presque comme à la maison…
Voilà pour les histoires ukrainiennes, demain ce sera la Pologne.
Merci pour vos commentaires et encouragements
C`est vrai, il est temps que je vous le dise. J’avais décidé d’essayer de vous raconter mon voyage le mieux possible, mais sans vos réactions enthousiastes, je crois que je n’y serais jamais arrivé. J`ai aussi eu quelques moments difficiles et c’était vraiment sympa de lire vos messages.
A partir de maintenant je peux presque me diriger avec le soleil, direction plein ouest. D’ailleurs chaque jour le soleil se couche plus tard, on le ressent réellement.
Aujourd'hui, je suis parti de L’viv en Ukraine pour la Pologne. Faire le voyage dans ce sens est très instructif. Après l’Ukraine qui tient un peu de la cour des miracles, la Pologne semble très proche de nous. Le niveau de vie n’est peut être pas encore le même qu’en Europe occidentale, mais la qualité des infrastructures, le professionnalisme des gens, les services disponibles, tout est là. Franchement, si le Portugal et la Grèce sont dans la communauté européenne, je ne vois pas pourquoi la Pologne n’y serait pas. Mais le plus dingue c’est de se dire qu’il y a 15 ans, la Pologne et l’Ukraine (ou plutôt l’URSS) étaient à peu près au même niveau. Aujourd’hui, l’écart s’est creusé de façon spectaculaire. Et la principale différence entre les 2 pays, cela a été la qualité de la politique menée. Alors c'est une sacrée leçon pour ceux qui pensent que la politique ne sert à rien. Dans l'instant, il y a tellement de facteurs extérieurs qui interfèrent que l'on a l'impression que la politique est en pilotage automatique. Mais sur plusieurs années, des différences phénoménales peuvent se creuser.
Enfin, voilà l'impression qui domine ici : routes nickel, marquage au sol et signalisation impeccable, l'espace public est propre et entretenu. Mais curieusement tout cela a rendu mon voyage très désagréable. En effet, de nombreuses routes sont en travaux (logique), le trafic, surtout celui des camions, est très intense et il y a des casse-vitesse partout. Bref, je retrouve les « joies » de la vie civilisée. En Ukraine, c'est pourri mais on vous fout une paix royale ! La ville de Cracovie vaut vraiment le détour. Je n'ai pu malheureusement qu'y jeter un coup d’œil très furtif.
Dans 2 jours, je dois être de retour à Paris. Je ne pense pas que la suite sera très intéressante. En effet, la traversée de l'Allemagne par autoroute présente assez peu d’intérêt à part celui de se taper un 300 chrono en toute légalité. Vu que je me limite à 120 en ce moment, on pourrait appeler cela du convoyage.
Alors, à très bientôt à Paris.
La fin du voyage
Ça y est, dimanche à 14h30, j'ai poussé la moto dans la cour en bas de chez moi ! Mais reprenons les événements dans l'ordre :
Vendredi, après une nuit dans un hôtel d'une petite ville de province polonaise, Opole, je pars en direction de la frontière tchèque par une départementale un peu plus sinueuse car j'en ai marre des nationales encombrées de camions.
Ce sont des courbes larges que j'enchaîne à 90-100 sans toucher aux freins. Mes trajectoires ne sont pas des plus pures mais c'est quand même bien agréable. Arrivé en république tchèque, c'est un peu le même décor. Ce qui change, c'est qu'ici il y a des motos, des vraies, et les motards saluent systématiquement. Ce n'est pas pour rien que Jawa est une marque tchèque et que ce pays a un Grand Prix national à Brno. Il y a une vraie culture moto.
J'arrive à Prague, une des plus belles villes européennes. Mais c'est aussi une trop grande ville pour la découvrir agréablement en moto. En effet, on se perd dans les nombreux quartiers, d'autant plus que je me rends compte après quelques errements que la vieille ville est fermée à la circulation suite aux inondations récentes. Je me contente donc de me rendre au château de Harcany qui domine la ville pour manger un sandwich avant de repartir. Voilà une très belle ville à découvrir… à pied ! Je poursuis ma route jusqu'à un camping à la frontière tchèque au bord d'un lac. Pourquoi passer la frontière et payer 2 fois plus cher en Allemagne ! D'ailleurs je ne suis pas le seul à l'avoir compris, le camping est peuplé exclusivement d'allemands.
Samedi matin, mauvaise surprise, je me réveille dans un brouillard à couper au couteau. Tant pis, il faut y aller et je me traîne, visière relevée, en essuyant mes lunettes jusqu'au col qui marque la frontière.
Ici on ne regarde même plus mon passeport, je n'étais plus habitué. Après 10 kilomètres, ça se dégage et j'emmanche la première autoroute que je croise. C'est parti pour environ 600 bornes d'Autobahn.
C'est plutôt monotone, à part les averses et les grappes de voitures qui passent à grande vitesse sur la voie de gauche... en toute légalité ! Dans les stations service, je croise de nombreux motards bardés de cuir en balade pour le week-end. C'est curieux mais je me sens complètement décalé et j'hésite à engager la conversation avec eux... il y aurait tellement à dire...
Enfin, j'atteins la frontière luxembourgeoise et j’arrive chez mon frère qui habite dans ce petit pays. Ses enfants sont tout contents de me voir et ça me fait drôle de me retrouver dans un environnement familier.
Dimanche, c'est la dernière ligne droite. 370 bornes que je connais presque par cœur : Je passe par les Ardennes belges d'abord, puis Sedan, pour rejoindre Reims. Tout va bien à part que ça caille dans le coin et que je n'y suis plus habitué. Je dois admettre que la vue du panneau FRANCE en arrivant à la frontière m'a fait chaud au cœur : Il faut s'éloigner de son pays pour l'apprécier vraiment, avec ses qualités et ses travers. Et ce sont souvent ces derniers qui nous manquent le plus !
Un dernier plein en arrivant sur l'A4 et c'est le rush final vers Paris. Les derniers kilomètres sont stressants, toutes les vibrations anormales auxquelles je m'étais si bien habitué pendant 3000 km me paraissent soudain alarmantes. Mais rien n'arrête le Freewind et je me retrouve en train de remonter le périph' entre la porte de Bercy et la porte de la Villette. En fait, je n'ai pas du tout envie de remonter les files de voitures et je savoure l'instant, peinard à 80 km/h. Malgré les sacoches et la moto un peu fripée, les gens ne peuvent pas savoir d'où je viens mais moi je le sais... et c'est une joie intérieure assez intense, on se sent au-dessus de tous les autres !
Et voilà, 14h30, je pousse la moto dans la cour et déjà je vois la boîte aux lettres qui déborde. Quand je rentre dans l'appartement, je vois sur la table 2 ou 3 relevés de banque que je n'avais pas rangés en partant. Ça y est la routine va reprendre le dessus... j'ai bien fait d'en profiter sur le périph'.
Allez pour finir, quelques chiffres : 8514 km parcourus et 15 pays traversés.
Non, vous n'aurez pas le budget journalier, la conso moyenne ou l'âge du capitaine, la comptabilité n’a jamais été mon fort, surtout en vacances.
Benoît
Déjà plus de 15 jours que je suis rentré de Turquie, c’est dingue comme ça passe vite. La réalité a repris le dessus mais il reste les rêves et les souvenirs accumulés. En rangeant mes affaires, j’ai réévalué tous les équipements dont je me suis servi pour ce voyage et qui, globalement, m'ont donné satisfaction.
Voilà un petit classement :
Les TOPS
D’abord, la moto : La Suzuki Freewind est bien une excellente moto. Elle est légère, qualité essentielle pour un voyage comme cela. Elle protège bien, ce qui est utile pour les longues liaisons autoroutières. Elle tient la route et freine correctement. Le moteur est largement assez puissant vu les routes rencontrées. Enfin, la fiabilité est exceptionnelle (un mono de plus de 50 000 bornes quand même) et la simplicité de conception facilite les réparations éventuelles (dues aux bêtises du conducteur !). Si elle rentre bien abîmée, c’est entièrement de ma faute.
Je tiens donc à tordre le coup à deux idées reçues :
1. Si les Suzuki ne sont pas très bien finies, ce sont de très bonnes motos, très solides.
2. Un monocylindre n’est pas mort au bout de 40 000 bornes s’il a été entretenu correctement.
En revanche, Suzuki a un gros problème de notoriété : pas une seule personne n’a identifié ma moto. La plupart des gens pensaient que c’était une Cagiva ( sic), une BMW (re sic), sinon, dans le doute, ils me demandaient si c’était une Honda ou une Yamaha !
En tout cas, les réparations sont en cours et elle reprendra fièrement la route.
Les pneus : Les Metzeler Tourance ont été irréprochables une fois admis leur potentiel limité sur la terre. Pas une seule crevaison malgré les mauvais traitements. Comportement bluffant sur le mouillé. Le top des pneus pour trails.
L’amortisseur EMC : Tout simplement génial. C’est grâce à lui que mon cul est encore en un seul morceau.
Les sacoches cavalières Gericke : Légères, faciles à mettre en place et parfaitement étanches. De plus elles résistent bien à l’abrasion et amortissent les chutes ! Et tout ça pour 400 balles. Seul défaut : elles bousillent la peinture de la moto (problème général des sacoches souples).
La veste Gericke Tuareg : Idéale pour les climats chauds et là aussi test à l’abrasion passé avec succès ! Multiples poches pour planquer le pognon et on peut installer une doublure pour les passages en altitude. En revanche ce n’est pas étanche du tout, il faut prévoir la combi pluie.
Les gants été Gericke : Même de petits gants en cuir non doublés à 100 balles, ça fait toute la différence le jour où on se casse la gueule. Pas même une égratignure aux mains.
La prise allume-cigare installée dans le tableau de bord pour recharger le portable : indispensable.
Le scotch électrique large et les colliers rilsan : l’arme absolue pour réparer les dégâts après une connerie.
Le passeport français : Nous avons la chance de posséder un sésame magique qui ouvre toutes les portes et provoque un sourire chez nos interlocuteurs. Particulièrement efficace avec les demoiselles (Paris, romantisme…). Sans blague, on imagine pas la chance que l’on a… surtout quand on rencontre des gens comme les ukrainiens qui ont presque honte de leur propre pays tellement ils sont conscients de ses tares, c’est franchement terrible.
Les BONS TRUCS
Les chaussures de randonnées doublées Goretex : ça protège bien et c’est quand même bien plus polyvalent que des bottes de moto. Par contre, surbottes obligatoires quand les éléments se déchaînent.
La tente et le duvet : ça pèse pas bien lourd et ça donne beaucoup de liberté. On peut vraiment faire ce que l’on veut. Mais pas indispensable non plus dans ces pays où les hébergements bon marché abondent, même si on voyage avec un budget serré.
Les guides Lonely Planet : A mon avis nettement mieux faits que les guides du routard (trop « bobo » à mon goût). Non seulement il y a de bons conseils pratiques mais surtout ils donnent envie de voyager et de partir à la découverte du pays. Il y en a même pour les destinations les plus improbables (Ukraine ou Géorgie par exemple). Par contre, mieux vaut ne pas trop s’attarder sur les conseils en matière de bouffe… c’est quand même écrit par des anglo-saxons !
Les cartes IGN série « Marco Polo » : On trouve les pays les plus exotiques dans cette série. La qualité est inégale mais au moins ça a le mérite d’exister.
La lampe frontale : bien plus pratique que la lampe torche quand on est seul.
Les FLOPS :
Le sac de réservoir Bagster : le truc qui m’a déçu. Cette fois j’avais bien le sac court spécial trail. Ça gêne moins pour conduire mais c’est quand même pas terrible pour les manœuvres et surtout pour se mettre debout sur la moto dans les passages difficiles. En plus, il s’est avachi sur le côté gauche dès le début, un zip de fermeture a lâché à mi-parcours, ce n’est pas étanche et l’ouverture pour mettre la carte est vraiment trop étroite. Bon, je suis dur mais ce truc m’a vraiment fait chier.
L’absence de béquille centrale : pareil, LE truc chiant surtout pour graisser la chaîne seul ou intervenir sur la moto en général.
Voilà, c’est à peu près tout, finalement le bilan est largement positif.
L’essentiel c’est de ne pas prendre trop de bagages : il faut sélectionner chaque chose impitoyablement. Pour de grands voyages, il n’y a rien de tel qu’une bécane simple et légère, facile à pousser et à dépanner. A l’opposé, la puissance et les performances ne servent pas à grand chose dans les conditions dans lesquelles on est amené à rouler. Pour être honnête, je n’ai jamais manqué de puissance !
Grand V
Benoît LACOSTE
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