Qui est le motard urbain et comment répondre à ses attentes ? Christophe Gibert (Peugeot), Xavier Redois (Ixon), Laurent Videmont (Aprilia) et Didier Ganneau (L'officiel) ont cherché à dresser son portrait. Une tâche ardue mais qui peut rapporter gros !
Réunis à Lyon du 9 au 10 février pour les Journées professionnelles de la moto et du scooter (JPMS 2009), les professionnels de la moto se sont interrogés sur la définition du motard urbain : "qui est-il vraiment ?"
Une question particulièrement cruciale dans la mesure où la clientèle urbaine ne cesse d'augmenter au sein du marché français du motocycle (lire notre Dossier spécial Marché 2008) !
"Pour la première fois depuis 1983, il s'est vendu en France plus de "véhicules équivalence" - les MTL 125 cc auxquels il faut désormais ajouter les MP3 LT accessibles aux automobilistes (lire notre Essai Moto-Net.Com du 2 octobre 2009) - que de motos de plus de 125 cc - les MTT 1 et MTT 2", résume Didier Ganneau, rédacteur en chef de L'Officiel (groupe Motor Presse).
Quelque soit la cylindrée, la forte progression des scooters prouve à elle-seule l'augmentation de la population motarde urbaine. On imagine facilement que bon nombre des roadsters, routières ou trails achetés dernièrement sont eux-aussi utilisés pour les déplacements quotidiens.
La prolifération de cette catégorie de motards - rien de péjoratif ! - incite donc les constructeurs, accessoiristes et autres équipementiers à adapter leurs produits, voire à en inventer de nouveaux pour satisfaire les besoins spécifiques et les envies de ces "consomotards" d'une genre nouveau.
Sauf que les fabricants, qui maîtrisent parfaitement les différents segments du marché moto depuis des années et dressent plusieurs "portraits type" du motard et de ses comportements d'achat (ses cycles, ses habitudes, ses attentes, ses besoins et ses petits faibles - "t'as vu le dernier casque réplica, le kit carbone ou chrome, les franges pour guidon ou le slip en polaire respirante ?"), avancent quasiment à l'aveugle avec ce fameux "motard urbain", dont une bonne partie sont en outre des "scootards"...
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Le motard urbain n'a "pas encore été identifié", constatent les responsables français d'Aprilia, Piaggio, Peugeot Motocycles et Ixon, qui intervenaient également lors de cette conférence : "il est difficile d'établir un profil d'acheteur de scooter 125 cc et il en est de même dans les cylindrées supérieures", admet notamment Christophe Gibert de Peugeot Motocycles.
Et la mission est quasi impossible, tant les origines divergent : automobilistes avides de liberté, fatigués des transports en commun ou du temps perdu dans les bouchons, motards séduits par le plus grand confort et la meilleure protection du scooter, faibles revenus, et étudiants, amateurs de véhicules à faible coûts d'utilisation, etc.
"Le panel d'utilisateurs est très large", confirme Laurent Videmont d'Aprilia France, "d'où la nécessité de posséder une gamme étendue". Ainsi, d'après lui, "chaque marché doit être considéré comme une petite niche". Pour séduire le plus grand nombre, il faudrait proposer à chacun le bon produit... Facile à dire ! "En grosses cylindrées on tâtonne : 400 cc, 500 cc", poursuit le responsable Peugeot. Les constructeurs cherchent... et trouvent, comme l'illustre l'expérience de Piaggio avec son célèbre MP3 LT qui, de l'avis de tous, est devenu un véritable phénomène !
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"Depuis son lancement, nous avons immatriculé plus d'un millier de LT chaque mois", signale à Moto-Net.Com Laurent Videmont. Le succès du "tricycle" (car ce n'est plus un "deux-roues" d'un point de vue légal) est particulièrement retentissant : Piaggio a vu ses immatriculations de deux-roues - les vrais ! - chuter de 64,3% en janvier, "ce qui plombe sensiblement le marché de manière générale", nous confie le responsable Aprilia (lire notre Bilan marché Moto-Net.Com du 6 février 2009).
La solution "tricycle", Peugeot Motocycle y songe aussi... Mais "on a un peu de retard", concède Christophe Gibert en faisant allusion au concept Hymotion3 présenté lors du dernier Mondial de l'Auto à Paris (lire Moto-Net.Com du 7 octobre 2008). Le constructeur français en profite pour intégrer le problème du choix de l'énergie (essence, électrique ou hybride), même si là encore les Italiens devraient conserver leur avance en dégainant le MP3 hybride avant le Hymotion3....
Ces scooters à trois roues qui se vendent comme des petits pains seraient-ils la nouvelle manne pour les manufacturiers et les revendeurs de pneus et de plaquettes de frein ? On peut le penser, à plus d'un titre !
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Outre cette roue supplémentaire à entretenir, les possesseurs du MP3 représentent une frange de la population motarde extrêmement intéressante pour les professionnels... "Il existe un fort potentiel de développement chez les urbains", affirme Didier Ganneau en estimant leur kilométrage annuel à "6 000 km, soit plus que les autres motards".
Les "motards urbains" roulent en effet tous les jours (au moins en semaine) et usent quantité de pneus, plaquettes, courroies, chaînes, filtres à huile, plastiques - aïe... - et autres pièces ! De même, ils salissent ou déchirent leurs gants, font passer les couleurs de leur blouson, fatiguent les fermetures éclair et des coutures, etc. En bref, ils consomment plus que les autres !
"Ce sont des clients qui viennent d'horizons différents et n'ont pas les mêmes habitudes d'achat", analyse Xavier Redois de la marque française Ixon, "et certains accédants peuvent être intimidés par le milieu de la moto".
À ce propos, Christophe Gibert considère que le monde de la moto pourrait profiter de cet engouement soudain pour le scooter : "l'image des deux-roues en France pourrait être améliorée grâce aux scooters".
Made in China, roulent en France... |
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Il est donc primordial de présenter dès le début les bons côtés des motards : communautaires et pas sectaires, solidaires, accueillants, chaleureux... voire plus si affinités : "la majorité des possesseurs de Vespa sont des femmes", précise le responsable français d'Aprilia !
Sur le plan des équipements et accessoires, un "travail pédagogique doit être mener par les distributeurs", remarque de son côté le responsable d'Ixon. Car si le casque est obligatoire pour conduire un deux-roues, les gants, blousons, bottes et autres équipements spécifiques ne le sont pas. Chez Ixon, on estime le panier moyen d'un "urbain" à 500 € : un casque, un antivol... et c'est parfois tout !
Néanmoins, on note chez le "motard / scootard urbain" des leviers intéressants qui sont absents dans les autres catégories d'utilisateurs : outre le fait qu'ils usent plus vite leur matériel, une proportion non négligeable des "urbains" se montent sensibles à leur look.
Jusqu'à récemment, les marques d'équipement moto confectionnaient des survestes, des combinaisons et des accessoires munis de protection à enfiler par-dessus son costard : des produits certes efficaces, mais dénués de style.
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Les fabricants ont donc fait travailler leurs méninges : "nous nous tournons désormais vers du matériel tout aussi spécifique mais au look de prêt-à-porter", décrit le responsable Ixon. Les vestes pour scootards sont toujours équipées de coques, mais elles sont coupées selon la mode actuelle.
Pour les purs utilitaires, les tarifs des vestes "tournent autour de 100 à 150 €", mais il existe une clientèle plus branchée où les budgets peuvent s'envoler. Et si les prix ne montent pas forcément, la fréquence d'achat est plus élevée.
"Il y a des achats de saison qui peuvent être influencés par la mode", ajoute Xavier Redois : qui sait si le blouson "à capuche moumoutée" ne sera pas remplacé l'an prochain par la parka pailletée ? Le changement de collection devient donc un moyen de fidéliser la clientèle, tout comme l'entretien du scooter.
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Cet entretien de la machine subit sa propre mutation : "ces gens ont été éduqués par l'automobile, ils veulent utiliser le produit sans être embêté", souligne le responsable de Peugeot. De manière plus globale, de plus en plus de clients souhaitent se voir proposer des "packs" véhicule + entretien + financement, voire équipement.
Et là aussi, les concessionnaires ont une belle carte à jouer : dans la mesure du possible, Piaggio pousse ses concessionnaires à exposer un véhicule "full option, comme ça se fait beaucoup dans l'automobile". La raison est simple : "vendre 1000 € d'accessoires rapporte l'équivalent de la marge du scooter vendu", révèle Laurent Videmont ! Vous avez dit intéressant ?
Interrogés sur leurs perspectives pour 2009, les intervenants se veulent optimistes : "on a noté une croissance externe (nouveaux arrivants, NDLR) du marché par le bas (sur des produits d'entrée de gamme, NDLR) et c'est cette frange du marché qui sera la plus exposée", prévoit Didier Ganneau qui a observé une hausse du prix moyen du motocycle sur ces deux dernières années : "il s'établit actuellement à 9 000 €". Un paradoxe en ces temps de crise ? Pas vraiment : "on a besoin d'une voiture mais envie d'un deux-roues".
Une affirmation valable pour le motard lambda (existe-t-il "vraiment" lui aussi ?), mais qui ne se vérifie pas au départ chez les motards urbains, qui ressentent avant tout un réel besoin de s'extirper de la masse gluante des embouteillages et des transports en commun...
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