Les deux gros Routsters !

Malgré la pluie qui a depuis longtemps traversé nos membranes étanches, c'est avec le sourire que sont accueillis les premiers virolos destinés à mettre à l'épreuve les qualités dynamiques de nos deux adversaires du jour !

Non pas que la rédaction de Moto-Net.Com soit encline au masochisme, mais la disponibilité des moteurs de nos deux machines d'essai permettent de faire fi des éléments en dessinant de jolies trajectoires sans se préoccuper du rapport engagé !

Rouler sur le couple est d'autant plus aisé que leurs quatre-cylindres s'avèrent onctueux à souhait, acceptant de reprendre sans broncher à 2 000 tr/mn en sixième (à ce régime, les compteurs digitaux affichent 55 km/h sur les deux motos). Plus moderne et lisible, la console Honda propose aussi l'heure, une jauge à essence, deux trips et un indicateur de consommation moyenne et instantanée.

Les deux cadrans cerclés de chrome de la Bandit font encore leur petit effet et présentent les mêmes fonctions, hormis l'indicateur de consommation. L'ensemble se montre néanmoins plus facile à faire défiler via deux boutons nettement plus accessibles avec des gants d'hiver.

Malgré le rythme sénatorial imposé par l'adhérence précaire et le revêtement de plus en plus déplorable des routes secondaires, l'écart se creuse inexorablement en faveur de la Honda : bénéficiant d'une motricité sans faille malgré son "petit" pneu arrière, la CBF1000 profite surtout d'une remise des gaz et d'un freinage combiné dosables au millimètre pour grappiller quelques mètres en entrée et en sortie de courbes.

Victime de légers à-coups d'injection et d'une direction tombante, la Suzuki demande plus d'efforts pour suivre le rythme : alors que les changements d'angles rapides ne sont qu'une formalité sur la Honda, la Suz' demande plus de poigne et d'autorité.

La Bandit 1250 n'est pas à reléguer au statut d'enclume pour autant, mais la comparaison avec cette étonnante CBF1000 donne la nette sensation d'opposer une grosse et une moyenne cylindrée ! Pas des plus flatteuses pour la Suzuki à ce stade, cette impression perdure cependant au moment de solliciter la cavalerie des deux "quatre-pattes" : bien qu'il provienne de la CBR1000RR 2007 et qu'il développe près de dix chevaux supplémentaires (107 ch contre 98 ch pour la Bandit), le bloc linéaire à souhait de la CBF fait en effet pâle figure face au punch de la Bandit 1250 !

Aussi expressif qu'un membre de la garde royale anglaise sous 4 000 tr/mn, le moteur de la Honda monte ensuite dans les tours sans faiblir mais sans la moindre once de caractère et en vibrant dès 5 500 tr/mn. Au contraire la Bandit, profitant de ses 257 cc supplémentaires pour afficher une valeur de couple camionnesque (108 Nm à 3 700 tr contre 96 Nm à 6 500 tr/mn sur la CBF !), s'extirpe des courbes avec une vigueur réjouissante pour un quatre-cylindres en ligne et offre des relances ô combien plus velues... et dénuées de vibrations !

Son silencieux catalysé (aussi volumineux et disgracieux que celui de sa rivale) étouffe peut-être les vocalises du quatre-cylindres Suzuki à bas et mi-régimes, mais il n'entame en rien son élasticité de gymnaste roumaine et sa force de culturiste dopé aux stéroïdes ! Costaud mais bien élevé, le moteur de la GSF1250SA sait se faire aussi discret et ronronnant que le chat d'une vieille fille, avant de se transformer en catapulte médiévale dès que le pilote visse la poignée droite !

Quel que soit le régime ou le rapport engagé, la CBF1000 ne soutient pas la comparaison : que ce soit en performances ou en sensations, la Bandit "12" l'enrhume à chaque accélération et prend ses tours avec appétit, alors que la CBF1000 lutte pour garder le contact... sans jamais se départir de sa frustrante "zen attitude" !

Ragaillardis par le retour du soleil - après une journée et demie passée à "roulotter" et à tenter de prendre des photos sous un déluge biblique ! -, c'est avec une furieuse envie d'en découdre que nous abordons des parties sinueuses presque entièrement sèches ! Revancharde et fermement décidée à tirer un trait sur les démonstrations de force sans équivoque de la Bandit 1250, la CBF1000 entame les hostilités le couteau entre les dents...

L'occasion de saluer à nouveau son exceptionnelle homogénéité, même lorsque son pilote titille les limites du raisonnable : prompte à se jeter à la corde et à changer de trajectoire au débotté, la Honda accepte les freinages sur l'angle comme qui rigole et conserve une rigueur et une stabilité impériales lorsque le bitume se fripe à la sortie d'une courbe avalée tambour battant.

Jamais loin derrière, le pilote Suzuki profite des plages d'utilisation plus conséquentes de son moteur pour reprendre ce qu'il perd en courbe : moins bien suspendue (alors que son amortisseur monté sur biellette devrait logiquement lui donner un avantage en termes de progressivité), la Bandit 1250 S est pénalisée par son train avant moins incisif, dont la précision de guidage se trouve cruellement affectée en présence de bosses et autres malformations...

Stable et sans vice, la Suzuki n'a pourtant pas à rougir de son comportement dynamique à l'attaque : elle accuse simplement le poids des années face à un modèle à la conception bien plus récente et à l'équilibre bluffant.