Septembre 1999Non, Graulhet n'est pas le nom d'un club SM déniché au bord de la N88 entre Toulouse et Albi, en direction des Monts du Cantal, mais le nom d'une petite ville du Tarn autrefois riche de nombreuses tanneries, peausseries et autres mégisseries...
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Etapes de balades
Paroles de balade :
"Oh moi ma Harley c'est pas tellement pour rouler, c'est plus pour la légende" Lectures de balade : E.M. |
UN ETE 99 SUR LA ROUTE (4)
Les Monts du Cantal
De retour d'un break de 3 semaines après 4 600 km de bitume au guidon d'une 900 Trophy lestée de ma passagère préférée, les meilleurs plans de Moto-Net. 4ème partie.
Graulhet, l'empire du cuir
Non, Graulhet n'est pas le nom d'un club SM déniché au bord de la N88 entre Toulouse et Albi, en direction des Monts du Cantal, mais le nom d'une petite ville du Tarn autrefois riche de nombreuses tanneries, peausseries et autres mégisseries. En fait d'empire, il s'agit plutôt des vestiges d'une petite baronnie en disgrâce, car évidemment, les mégisseries n'ont pas résisté à la "crise du textile" des années 80 et ont mis peu à peu la clé sous la porte. Il en subsiste tout de même quelques-unes, comme AF Cuirs (voir dossier "Les artisans de la moto"), qui malheureusement était en congés annuels lors de notre passage... Si vous souhaitez jeter un oeil sur la production locale, suivez la N88 et la N2088 au nord de Toulouse, et prenez à gauche à Rabastens, sur la D12 en direction de Graulhet et Réalmont. Certains fabricants sont encore dans le centre, mais la plupart se trouvent dans la zone industrielle, sur la route de Gaillac. Après Réalmont, la N112 roule très bien jusqu'à Albi.
Albi, inexplicablement préservée
Au cours de toute pérégrination estivale, il est fréquent de constater que dès qu'un bled est un peu joli à la base, il se retrouve vite défiguré par les magasins de cartes postales, de gourdes en peau de moine tibétain et autres briquets à l'huile d'olive artisanale. Les municipalités, pour gagner 3 francs, laissent proliférer ce genre d'horreurs, sans se rendre compte une seconde que le résultat est bien évidemment inverse : les gens fuient ! Eh bien Albi, qui est une ville absolument splendide, est - pour combien de temps encore ? - préservée de tout attrape-touriste ostentatoire. Certes, le soir venu, certaines terrasses font davantage penser à la Place du Tertre qu'à la préfecture du Tarn, mais rien ne vous empêche de faire 30 m de plus et de dîner, au calme, dans un très bon petit restau pas cher, comme le Poisson d'Avril. Sophia vous fera goûter à ses tapas de folie et à ses inventions culinaires plutôt réussies, et ça, ça le fait ! Enfin bref, Moto-Net n'est pas là pour vous faire un comparo tapas/mauresque, mais plutôt pour vous parler des routes d'Auvergne. Quittons donc Albi par la délicieuse D600 via Cordes sur Ciel (tiens, pas besoin de chercher bien loin pour trouver un exemple de bled magnifique mais défiguré !), puis empruntons la très belle D922 via Laguépie (à la frontière du Tarn, du Tarn-et-Garonne et de l'Aveyron) jusqu'à Villefranche de Rouergue, où l'on peut siroter un café à l'ombre des tilleuls du Grand Café du Globe, sur les bords de l'Aveyron. On arrive ensuite à Figeac, toujours sur la D922. C'est alors la N122 qui prend le relais, et nous vaut un bout de route commun avec deux Allemands en K100 et 900 CBR. Ce dernier présente d'ailleurs la particularité de rouler avec les pieds sur les repose-pieds arrière, ce qui lui donne un petit air de canard-crapaud très touchant. N'ayant retenu de la langue de Goethe que de grossiers rudiments de 4ème mêlés de Nina Hagen ("Das Telefon Klingelt" et "Ich bin dein Hund"), je ne pourrai malheureusement pas discuter avec lui des mérites comparés de cette position inédite. Très roulante une fois doublé les Allemands, la N122 et ses charmes variés continuent agréablement jusqu'à Aurillac.
Festival international du CRS de rue
Aurillac, ville accueillante s'il en est : sur les trois entrées que compte la ville, deux sont bloquées par un copieux barrage de CRS ! Tout minibus Volkswagen de plus de 10 ans d'âge est ainsi dûment contrôlé, surtout si ses occupants ont moins de 30 ans et le cheveu peu réglementaire. Tout ça pour quoi ? Mystère... J'ose espérer que ce n'est quand même pas pour le Festival international du théâtre de rue, qui commence demain. Ou alors, faudra expliquer un jour aux forces de "maintien de la paix" que si cette fameuse "paix" venait à être menacée en France, le danger ne viendra certainement pas de quelques troupes d'acteurs itinérants, et encore moins de 2 ou 3 zonards défoncés, piliers inamovibles de n'importe quel festival. (S'il y a des CRS qui lisent Moto-Net, merci d'avance pour vos explications !). Bref, peu sensibles à cet accueil nous continuons sur la petite D17 en direction du bout du monde. Non pas qu'Emmanuelle m'ait tout à coup convaincu d'aller faire découvrir les steppes de Patagonie orientale à la Trophy, mais plutôt pour passer la nuit à Mandailles, dans ce minuscule hôtel fort justement baptisé : "Au Bout du Monde".
Trois jours au Bout du Monde
Des "petits hôtels", vous en connaissez plein. Des "petits hôtels" de 3 piaules, déjà un peu moins. Mais des comme celui-ci, sûrement aucun (voir encadré). L'auberge "Au Bout du Monde", tenue par Elise et Claude Delteil - qui viennent de transmettre l'affaire à leur fils -, est évidemment complète pour ce soir (voilà ce qui arrive quand on ne réserve jamais !). Grâce à la force de frappe légendaire d'Emmanuelle, mêlée à ses trésors de diplomatie charmeuse, une petite possibilité se dessine pour demain, donc on se rabat un peu en retrait dans la très belle vallée de la Jordanne en attendant. Excellente occasion pour découvrir la Route des Crêtes (D35), qui serpente au dessus de la vallée en direction du Puy Mary (1787 m) et du Pas de Peyrol (1588 m). On retrouvera aussi avec bonheur les courants rapides de la N122, qui continue vite et bien en direction de Vic sur Cère, Murat (merci à Michel, lecteur très attentif, qui nous précise que le nom du gars Jean-Louis ne vient pas de ce Murat là mais de Murat le Quaire, dans le Puy de Dôme !) et Massiac. Entre Aurillac et Massiac, la N122, avec son revêtement nickel (sauf dans le tunnel, par ailleurs joliment bordé de loupiotes, rouges à bâbord et vertes à tribord), ses portions à 3 voies et ses somptueux méandres, est le point de passage obligé pour les sportives (ou les pressés). En effet, la Route des Crêtes (D35) et la D17 nécessitent un confort de selle et des suspensions d'un niveau un peu supérieur. Pour éviter le tunnel pourri de la N122, mieux vaut gravir le Col de Cère par la D67. Vous pourrez en outre en profiter pour larguer quelques bombes à fragmentation sur les abominables constructions de Super-Lioran. Entre Chaudes Aigues et St Flour, la D921 est également de très bonne facture. Pourrez-vous résister à l'appel de ses incroyables lignes droites entre deux virolos serrés ? Après St Flour, la D926 jusqu'à Murat conserve le même esprit que la N122 jusqu'à Aurillac. Une fois sur la N122, on peut couper la vallée de la Jordanne jusqu'à Mandailles sans repasser par Aurillac, à condition de ne pas rater l'embranchement de la D317 à St Jacques des Blats (juste à l'entrée du bled sur la droite, entre deux courbes). Ce sera l'occasion de passer le très joli Col du Perthus, qui a su rester modeste (1309 m).
Direction les volcans
En repartant vers le nord, une dernière visite au splendide Puy Mary par temps clair s'impose. Lorsque vous aurez fait le plein de ces montagnes aux lignes douces et aux nuances infinies de verts, et du parfum délicieux des forêts - pleines de cèpes, de girolles, de myrtilles et de fraises des bois -, vous pourrez quitter le Cantal. Mais vous découvrirez d'abord une deuxième Route des Crêtes, la D680, qui flâne paisiblement jusqu'à Salers (les locaux ne prononcent pas le S final) via le Cirque de Falgoux et le Col de Néronne (1242 m). On pourra facilement résister à l'appel d'une pancarte "Ici vente de vêtements de peau et cuir" sur une boutique du bord de la route, qui propose quelques cuirs très moyens au milieu d'un fatras de porte-clés "J'aime la truffade", de morceaux de cantal en boules de neige et de peaux de vaches dignes de la descente de lit d'un diplodocus. A propos de vaches, sachez que les très belles Salers, qui se baladent nonchalamment en haut des cols dans leurs robes en peluche, ne produisent pas assez de lait pour fabriquer le Cantal et le... Salers, et que les producteurs sont obligés d'utiliser le lait de vulgaires Holstein, ou plus souvent de simples Montbéliardes - encore merci Michel pour cette précision !). Pour quitter le Cantal, la D678 entre Mauriac et Riom ès Montagnes est assez piégeuse (gravillons, trous), mais s'améliore sensiblement entre Riom ès Montagnes et Condat (belles forêts, revêtement OK). Elle se transforme ensuite en D978 lorsque vous entrez dans le Puy de Dôme à Egliseneuve d'Entraigues, après Chanterelle, et devient alors purement et simplement un des meilleurs circuits sur route ouverte de ma connaissance...
Eric MICHEL
© Moto-Net n°6 - Septembre 1999
EPISODES PRECEDENTS :
1. Haut-Doubs et Parc du Haut-Jura (solo)
2. Les Cols des Pyrénées (duo)
3. Ariège, Terre courage (duo)
EPISODE SUIVANT :
5. Les volcans d'Auvergne (duo)
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